i meet you again ✗ voltaire

Je croquai dans ma pomme, les yeux fixés sur les portes du gymnase. Je mastiquais et déglutissais au rythme de la musique qui dominait mes pensées, regrettant par la même occasion de l'avoir trop écouté ce matin. Aujourd'hui était un jour comme les autres : je me faisais chier. Mon regard dériva sur la poignet. J'avais traqué Gautier jusqu'ici. Disons qu'en sachant que je n'avais rien à faire, en le voyant marcher seul, je ne pouvais que le suivre. Discrètement. Tout le trajet, je n'avais cessé de varier les camouflages. J'aurais presque eu l'impression d'être dans un film d'action à ce moment-là s'il n'y avait pas eu mon chignon bondissant à chacun de mes pas trop pressés pour me déconcentrer. Mordant une dernière fois dans le fruit, j'en jetai le trognon derrière moi, l'air déterminée. Première chose à faire. Me recoiffer. Avec cette poursuite, ça ne ressemblait plus à rien et ça risquait d'être gênant. Je libérai donc ma chevelure de mon élastique, enfilant ce dernier à mon poignet avant de nouer négligemment mes cheveux en un nouveau chignon haut, y passant le fameux élastique. Poursuivant sur ma lancée, je réajustai rapidement le col de ma chemise, époussetai mon slim puis, parée, pénétrai dans le gymnase.

J'y vis sans surprise Gautier. Seulement il fallut qu'il se tourne pour aller chercher un ballon. Dans un parfait élan de panique, je me jetai sous les gradins, m'étalant au sol avec grâce. Je jetai un regard furtif vers le terrain où il retournait, entre deux bancs. Il n'avait pas l'air de m'avoir repéré. Discrètement, je rampai donc jusqu'à l'extrémité de ma cachette, prenant soin d'éviter tous les chewing-gums sur ma route. Je cherchai un quelconque moyen de me camoufler avec plus de discrétion. S'il y avait eu l'équipement du concierge traînant là, je l'aurais fait à la high school musical -j'ai conscience d'avoir des références qui laissent à désirer-, seulement là, rien. Soupire. Mon regard se posa sur le stock de ballons, à seulement quelques mètres. Ok Voltaire, tu peux le faire. J'inspirai, expirai, puis m'élançai à quatre pattes avec toute la rapidité dont je pouvais faire preuve.

Le cœur battant à toute vitesse, je me recroquevillai, l'espace étant assez restreint entre le mur et le stock. Mission réussie. Peut-être. Hésitante, je me penchai lentement et très légèrement sur ma droite, et lançai un regard à Gautier. Il jouait. Et à l'instant, il venait de rater son tir. Ma première pensée fut : "MAIS IL EST NUL, ET C'EST LUI LE CAPITAINE?". Mais, soudain, et sans raison apparente, il s'étala au sol -et bien évidemment, j'ai sursauté-. ...Qu'est-ce qu'il fichait exactement? Une crise de narcolepsie? Non. Ou peut-être que si. Intriguée, je pris appui sur ma main et me penchai un peu plus. Il soupira. Bonne nouvelle, il était conscient, les hypothèses de mort ou de narcolepsie étaient donc à bannir. Il était peut-être simplement fatigué. Mais de quoi? De dix minutes de marche et d'un misérable tir? Impossible.

Puis, prenant conscience de mon manque de discrétion, je repris place derrière les ballons, perplexe. La dernière fois, il n'avait pas l'air si fragile. Il avait quand même défoncé l'ascenseur -bon j'exagère, mais j'en garde un très mauvais souvenir-. D'ailleurs, il m'avait demandé de venir le voir, la prochaine fois. Actuellement j'étais en train de le stalker. Bon, c'est pas comme si je lui avais dit que je le ferais. Parce que, franchement, je n'allais tout de même pas venir vers lui en secouant le bras pour lui taper la causette, comme si j'avais envie d'être amie avec toute l'équipe de basket. Parce que là, c'était pas loin. Dans un soupire, je me laissai finalement aller contre le stock de ballons. Grossière erreur.

Je me serais retrouvée dos contre le sol, le sommet du crâne contre ma "cachette", si je ne la retenais pas en ce moment même. Elle avait cependant bougé, et ça, c'était déjà une véritable catastrophe. Les yeux ronds, je restai immobile, n'osant même pas la remettre en place. Quelle erreur de débutante. Je me maudissais intérieurement pour avoir oublié un instant ma situation. Enfin, avec un peu de chance, il n'y avait pas fait attention. Avec un peu de chance. Faites qu'il soit fasciné par le haut plafond du gymnase.

J'entendis un cri -et quel cri-, suivi du bruit caractéristique d'un ballon frappant contre le parquet. Ma respiration cessa aussitôt, comme si elle risquait d'indiquer ma position. Il m'avait entendu. A moins qu'une chose non identifiée ne l'ait surpris en s'introduisant dans le gymnase à l'instant, mais étrangement, j'en doutais. Quoiqu'il en soit, je ne pouvais pas le vérifier, et c'était sans doute le plus agaçant. J'entendis des pas, lents. Fuis Voltaire, fuis. Je jetai un regard à la sortie. Impossible que je l'atteigne sans me faire repérer s'il était tourné dans ma direction. Était-ce un risque à prendre? Je ne pense pas. Je ravalai ma salive avec une certaine nervosité. J'allais me faire repérer. Me pinçant la lèvre, j'haussai cependant un sourcil lorsque je crus entendre un murmure -avec le silence pesant qu'il y avait, il était aisé de le remarquer-. J'aurais voulu avoir le don d'une ouïe sur développée pour l'occasion. Seulement je n'en eus pas besoin pour comprendre qu'il était proche. D'accord. Pas de panique.

Je pressai mes doigts contre le stock lorsque Gautier fut arrivé près de ce dernier. Je fus tentée de le pousser dans ses jambes. Si nous ne nous étions jamais parlé auparavant, je n'y aurais même pas songé, or il avait eu le don de m'agacer un tantinet la dernière fois. Seulement, malgré ça, je ne fis rien. Je n'étais ni une sauvage, ni une folle qui haït une personne dès la première rencontre -surtout qu'à la base je l'appréciais presque-. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'il trébucha brutalement sur mes jambes. Il se sera tout de même vautré, tiens. J'aurais d'ailleurs pouffé si je n'avais pas été ainsi prise de court -et s'il ne m'avait pas fait un peu mal par la même occasion-. Je l'observai, sourcils froncés, incrédule, tandis que ma main massait lentement mon genou. Récapitulatif de la situation : il m'a entendu, il est venu, et il s'est prit les pieds dans mes jambes pour finalement s'écraser par terre. Le fait que je le prenne pour un imbécile était donc totalement justifié.

« Qu'est-ce que tu fais là? »

Je dirais même parfaitement justifié. Je poussai un soupire et me relevai. Il fit de même. Mon regard se planta dans le sien, alors que mes sourcils demeuraient froncés. Inutile de répondre à cette question, il savait déjà ce que je venais faire ici. Je le regardai de haut en bas et inversement -ce fut anormalement rapide. bon j'arrête avec sa taille. en plus je crois qu'il a gagné un centimètre. je crois-, pour finalement revenir sur ses yeux onyx. Il avait troqué le rouge pour des couleurs sobres. Très sincèrement. Je n'aimais pas -on s'en fout, c'est vrai-.

« Tu étais là pour discuter ou rester planquée ? Je serai vexé d'apprendre que tu as déjà oublié notre passage à la bibliothèque. »

Ça remontait à un ou deux mois tout au plus. Je ne ferais aucun commentaire. Haussant un sourcil, mes lèvres s'étirèrent finalement en un fin sourire d'où ne ressortait aucune trace de sympathie, sans pour autant être méprisant. Je paraissais à l'aise. Et pourtant je sentais un poids dans mon estomac. Il avait ce don pour me pousser à lui parler alors que de base, je n'en avais pas envie. Je jetai un rapide coup d’œil au stock.

« Je n'ai pas oublié, si ça peut te rassurer. » Mon regard croisa de nouveau le sien. « C'est un très mauvais souvenir. »

A voir s'il comprendrait que je faisais référence à l'ascenseur. Dans le cas contraire... Tant pis. Mes doigts se posèrent finalement sur l'un des ballons, le séparant de ses confrères pour le prendre à pleines mains. Je le fis tourner lentement entre mes paumes, puis jetai un regard au capitaine de l'équipe. Je lui passai brusquement dans un rebond.

« Mais si tu veux discuter, discutons! De ce que je viens de voir, t'as pas l'air d'être le plus doué de l'équipe. »

Simple constatation. Disons que ce tir n'avait pas eu l'air bien compliqué et il est vrai qu'en voyant ça, je m'étonnais de ne pas avoir entendu Skygge s'en plaindre. Alors s'il pouvait m'éclairer sur la situation, ça m'arrangerait. Mon regard dévia sur le panier, et je plissai discrètement les yeux. Dans mon cas, le ballon passait soit à côté, soit au dessus, certes. Parfois il ne faisait même qu'en hauteur -et il fallait marcher en crabe pour espérer éviter de se le prendre. inutile de préciser que ça n'a pas suffit pour moi-. Mais moi, je ne pratiquais pas ce sport, et je n'étais pas capitaine d'une équipe de basket. Heureusement. Tout laissait penser qu'il était soit nul, soit dans un mauvais jour. Je posai sur lui un regard interrogateur.

« Je suis peut-être pas le meilleur en sociabilité, mais au basket, il ne faut pas me sous-estimer. »

Mes lèvres s'étirèrent en un large sourire amusé, et bien plus sincère que le précédent. Il est vrai que question popularité, il était sans doute en bas du tableau. Enfin, c'est ce que je m'étais dit lorsque je l'avais vu pour la première fois, seul. Et pourtant. A présent, je le voyais souvent en compagnie de Cale ou d'une blonde, populaires tous deux -tiens, comme c'est étrange-. Sans doute la raison pour laquelle j'avais eu envie de le gifler lorsqu'il m'avait dit qu'il n'avait aucun ami. Quoiqu'il en soit, je n'avais qu'une envie, c'était de voir s'il en était de même pour le basket.

Il s'engagea sur le terrain tandis que je m'installais confortablement sur les gradins. Je posai mon menton contre le creux de ma main, et ne le quittai pas des yeux, attentive à chacun de ses mouvements. J'avais conscience de la proximité de la sortie et du fait qu'il ne me verrait sans doute pas partir. Et pourtant, je restais là. ...Je maudirais ma curiosité plus tard. Malmenant ma chemise entre les doigts de ma main libre, je fronçai les sourcils lorsqu'il débuta cette fameuse démonstration. Il fallait l'admettre, il était doué. Très doué. J'en étais presque impressionnée. Mon sous-entendu l'avait motivé? Bien. Je songerais à le rabaisser avant chacun de ses matchs.

Une fois le ballon dans le panier, je m'empressai de me redresser et d'effacer toute trace de surprise sur mon visage -oui ma fierté est affligeante-. Il avait l'air sûr de lui. ...Chose peu étonnante vu ce qu'il venait de faire, c'est vrai. Silencieuse, je me contentai de ramener mes jambes sur le banc de manière à m'y asseoir en tailleur.

« Ça peut paraître difficile si on tire sans l'aide de panneau, mais c'est le contraire. La ligne des trois points a la forme des ballons de rugby, et au final les coins sont plus proches qu'au centre pour le tir. C'est comme ça aux États-Unis seulement, mais j'ai demandé les mesures américaines pour les lignes du terrain. M'enfin je pense que l'adresse t'intéressait davantage que la force. » J'haussai un sourcil. Clignai des yeux. Puis, ris, sans une once de moquerie -ça me donne du temps pour assimiler, par la même occasion-. « Je vois. » je lui adressai un léger sourire. « Bonne déduction. C'était assez... Convaincant. »

Comme si un compliment m'arracherait la langue -j'ai tendance à penser que ça pourrait être le cas-. Je m'étirai finalement puis me levai, m'avançant sur le terrain. Je jetai un rapide regard au panier. ...Et dire que Skygge arrivait toujours à faire rentrer le ballon là-dedans -et que gautier y arrivait également, semble-t-il. rappelons tout de même qu'il fait un mètre soixante environs. ce type n'est pas humain-. Je ne pu empêcher mes muscles de se tendre lorsque je le dépassai. Depuis la dernière fois, je me portais bien mieux loin de lui. Malgré cet échange qui était loin d'être agressif, je ne pouvais que garder en mémoire notre première discussion, qui, elle... M'avait marqué, dirons nous. Je m'emparai finalement du ballon, puis, pour la première fois et sans réellement réfléchir -pour changer-, je tentai un tir dans un froncement de sourcils.

Non, ce ne fut pas un succès inattendu qui aurait pu me donner l'occasion de me vanter auprès de Skygge, voir même de me la péter à l'instant même. Juste. Un échec total. Le ballon heurta violemment le panneau, et j'eus le bon réflexe de m'écarter. Si je me l'étais prit, je m'en serais voulu toute ma vie. Dans un bruit sourd, le ballon retomba sur le parquet, alors que je restais figée, silencieuse. Bref, j'aurais dû m'abstenir. Soudain, ma tête se tourna dans un mouvement rapide vers le seul témoin de ce tir foiré.

« Aucun commentaire. J'y joue pas depuis que je suis gamine, moi. »

Avec la chance que j'avais, j'allais peut-être recevoir une réplique du genre « moi non plus ». Il manquerait plus que ça. Déjà qu'en ce moment même, des pensées négatives devaient fuser dans son esprit, telles que « ah ouais, en faite elle est carrément nulle » ou même « mdr » -tout dépend de sa façon de s'exprimer-. Je soupirai, glissant ma main contre ma nuque. Bah, dans le pire des cas, il ira informer tout le monde que je suis nulle au basket, mais que je me permets de relever son raté. Et après?

Il tire. Réussit. Encore. Je détourne le regard, la mine contrariée. Si c'est pour m'enfoncer, là aussi c'est réussi. Il se tourne vers moi. Je croise son regard, me mordille la lèvre, fronce les sourcils. Il répète le mouvement. Une fois, deux fois. Lentement, mes sourcils s'arquent.

« N'y va pas à deux mains. Avec l'une, tu pousses. Avec l'autre, tu guides la balle. Le tout, c'est simplement de doser la force. Si tu es bien concentrée sur ce que tu fais, elle partira forcément dans la bonne direction. Il suffit simplement de savoir juger la distance et mettre la dose de puissance nécessaire pour réussir. Même moi, j'en loupe beaucoup. J'en mets environ... 40% peut-être ? Et pourtant.
- Même toi? C'est que ça doit vraiment être très très difficile. »

Je lui souris, amusée. Petit pic à ne pas prendre au sérieux, bien évidemment. Je suis plutôt touchée de recevoir ce genre de conseils plutôt qu'une vanne de mauvais goût -enfin, une réflexion serait sans doute passée sans que je ne réplique comme un animal se sentant agressé-. Je jette de nouveau un regard au panier. Non vraiment, c'est bien trop haut. Je ne suis pas bien grande non plus, et ce n'est pas à mon avantage dans ce type de situations. Je souffle de frustration, avant d'apercevoir la masse orange s'approcher de moi. Aussitôt, mes yeux se fixent sur le ballon qu'il me tend. ...Je n'ai absolument pas cru qu'il allait me le lancer en plein visage. Mon regard dévie quelques instants de l'un à l'autre avant que mes paumes ne viennent se poser sur l'objet. Je m'empresse de le lui prendre, marmonnant un rapide « merci » tout en m'écartant. Pour ma sécurité et la sienne. Je tiens tout de même à nouveau un ballon de basket entre mes mains. Dieu seul sait de quoi je suis capable avec cette chose.

Je me mets en position -enfin, je me plante juste à quelques du panier, rien de bien extraordinaire-, fixe le panier sans bouger une bonne poignée de secondes. D'un point de vue extérieur, ce doit être assez étrange de voir une fille ainsi figée devant un panier de basket, les yeux plissés. Je me concentre voyez-vous. Plisser les yeux facilite la concentration, c'est bien connu -stupide réflexe-. Puis, enfin, j'inspire profondément. J'hésite même à faire quelques échauffements, tiens. Sait-on jamais si je m'abîme un muscle. Non, un peu de sérieux, c'est très sérieux, une situation sérieusement sérieuse. Je m'apprête. Et enfin, tire. ...Pour finalement rater. Et quel raté. Le ballon doit avoir percuté le mur à environs. Trois mètres du panier? Enfin, point positif : c'est à peu près à la bonne hauteur. Pour moi, c'est un progrès phénoménal. Je pivote vers Gautier.

« J'étais vraiment concentrée. » Je m'avance vers le ballon, le ramasse. « Pourtant ça a bien foiré. »

Et ça me déçoit un peu, malgré tout. En soit, j'aime plutôt bien ce sport. Je me rappelle très bien de mon cousin en train d'y jouer. ...Lui aussi est très nul. Ce doit être de famille. J'esquisse un léger sourire en faisant rebondir le ballon contre le parquet. J'aimais bien me foutre de lui à ce propos, quand j'étais gamine. Heureusement qu'il ne me voit pas à l'heure actuelle.

Je me repositionne, silencieuse. Je me remémore rapidement ses paroles. Ne pas y aller avec les deux mains. ...Ok. Avec une certaine hésitation, j'applique ses conseils. Je peux bien écouter ce qu'on me dit, pour une fois. Non? Mal à l'aise, je jette un rapide regard à Gautier. Et je doute. Malgré ce qu'on pourrait croire, je ne lui fais absolument pas confiance. Je n'irais pas jusqu'à le soupçonner d'avoir placer une bombe dans le ballon, soyons réalise, mais sa gentille me paraît presque louche. ...Soit, c'est stupide. On est pas tous forcés de se cracher dessus. Arrête de réfléchir, Voltaire, arrête de réfléchir. Fais comme Cale, Voltaire, fais comme Cale. Je souffle, ferme les yeux un court instant.

« ...comme ça tu veux dire? »

Suite à cela, je m'imagine parfaitement accourir et me jeter par la fenêtre du quatrième étage. Que la foudre s'abatte sur moi ici et maintenant. A l'instant, je ne peux que constater que mes pulsions suicidaires sont anormalement plus fréquentes en sa compagnie. ...Effrayant. Je soupire, laisse retomber mollement mes bras le long de mon corps, le ballon toujours en mains. Ça m'énerve.

Je râle, tripote le ballon, balaye le terrain du regard. Chaque détail a son importance. Mon regard s'attarde sur le panier. Et soudain, une silhouette entre dans mon champs de vision. … J'ai comme un blocage, là, maintenant, tout de suite. La main de Gautier frôle le panier, puis il rejoint le sol, là où il est censé être. Je le fixe avec de grands yeux qui expriment bien des choses à l'heure actuelle. Dont ma pensée se résumant à « comment t'as fait ça, petit con? ». Au fond de moi, j'enrage. Au plus profond de moi, oui. Parce que jamais, ô grand jamais je ne lui donnerais cette satisfaction que de me voir irritée par son aisance dans le domaine du basket. Depuis le début il fait tout pour m'en mettre plein la vue. Je vois clair dans ton petit jeu, Everfield. Mais c'est perdu d'avance.

« Quand j'ai commencé, j'en mettais 1 sur 10. Maintenant c'est 8 ou 9. Je me suis entraîné et voilà. Y a pas de secret. Je suis petit mais je monte jusque là parce que j'ai pas laissé tomber, c'est tout. »

Je plisse les yeux. C'est certain, il joue à ça depuis des années. Il a peut-être même commencé à l'âge de cinq ans, qu'en sais-je. Je sais beaucoup de choses sur lui -il vaut mieux qu'il ne sache pas le nombre exact-, mais pour ce qui est de son passé, c'est une toute autre histoire. C'est bien plus complexe de s'informer là-dessus. C'est assez frustrant. M'enfin, j'imagine qu'il a droit à sa part de vie privée, aussi. ...Dit celle qui est déjà entrée dans sa cabane par la fenêtre en son absence et celle de ses colocataires, je sais. Mais je n'ai pas pu résister à ce dortoir vide. Qu'on me pardonne cette erreur de parcours.

Son regard coupe court au fil de mes pensées. Je me contente de le fixer, silencieuse. Mes sourcils se froncent. C'EST DE LA PROVOCATION. Ma paranoïa a sans doute sa part de responsabilité dans cette conclusion trop hâtive. Qu'importe. Tous narcissiques de toute façon. Je suis sûre qu'il considère que je ne pourrais jamais atteindre son niveau, même en dix ans. Détrompe toi, Gautier, dé-trompe tooii. Non, en réalité je pense la même chose, mais je ne peux pas lui concéder. Je me redresse, la tête haute -pas tant que ça, en faite-, et lui adresse un regard qui signifie mot pour mot : « je ne me suis absolument pas découragée, c'est faux, je me concentrais vois-tu. ...je te jure que si je vois l'ombre d'un sourire sur ton visage, ce ballon ira le rejoindre ».

Je soupire, me repositionne. Non, je ne vais pas faire mumuse à sautiller sous le panier dans l'espoir de toucher le filet, chaque chose en son temps, d'abord, le tir. En plus de cela, j'ai une certaine dignité à préserver, donc ne nous emballons pas. Je repense à sa façon de tirer. Première chose qui me vient à l'esprit : tu vas faire exactement comme lui dans les moindres détails et ça ira très bien. Je tente de l'imiter. ...Mais bordel, il aurait fallut que je perdre dix centimètres pour que ce soit parfait. Je me mordille la lèvre, garde le regard fixé sur le panier. Ok, vas-y voltaire, tu gères. Je m'abstiens de tout commentaire sur ma rime involontaire. Celle là n'était pas voulue non plus. ...Putain, on s'arrête là.

Je cligne des yeux, souffle, puis finis par tirer. Le ballon percute le panneau, et achève sa chute non loin de Gautier. Malgré l'accident qui aurait pu se révéler plus douloureux à quelques centimètres près, je ne peux m'empêcher de me réjouir du minime progrès. Intérieurement. Mon sourire est en train de me trahir. Maudit soit-il. Je m'approche finalement du seul témoin, ramasse le ballon et repart en toute impunité me repositionner. Je lui adresse néanmoins un petit sourire.

« Dans moins d'un mois, je suis une pro. »

On s'en fout de la modestie, tant pis. ...Enfin, ça reste une plaisanterie hein. Qu'il n'aille pas me dire « ok, dans un mois on se fait une partie dans ce cas », humhum. Non, ce serait vicieux, très vicieux.

« ...et, t'y joues depuis combien de temps, toi? »

Autant y aller franchement.

« Depuis que je suis petit. » J'esquisse un sourire victorieux. Je le savais. « C'est Lysander qui m'a apprit le basket quand j'étais plus jeune... et depuis j'y joue. Il est dans ta classe, je crois bien. »

Lysander. Je garde les yeux fixés sur lui, songeuse. C'est le type à la touffe bleue. Je le connais de vue seulement, je l'ai déjà croisé à l'étage des D. Plus âgé que moi et sans doute plus que lui. Je me contente d'un « ouais » évasif, reportant mon attention sur le panier. Je les ai vu quelques fois ensemble, mais je ne pensais pas qu'ils se connaissaient depuis si longtemps. Pensée pour Jenny. Elle me déballerait bien des conneries si elle me voyait à l'instant. Je perds mon sourire. L'absence de portables ici est vraiment pesante.

Je pousse un soupire, m'apprête à lancer le ballon. « TU VEUX REJOINDRE LE CLUB DE BASKET ? ». Si j'avais été en train de boire, j'aurais tout recracher. En revanche, je viens de manquer de me ramasser sur le parquet, ayant été plus que violemment coupée dans mon élan. Je tourne la tête, le regarde avec des yeux ronds. Il est sérieux? Les hypothèses se bousculent. Il se fiche de moi? C'est une caméra cachée? Un défi qui lui a été donné? Une tentative pour me ridiculiser publiquement? Durant quelques minutes, je ne sais pas quoi dire. Et ça se voit. J'ouvre et ferme la bouche à répétition, mes pupilles s'agitent, à la recherche désespérée d'un point fixe susceptible d'accaparer mon regard.

Je finis par souffler, esquissant un sourire. Mes yeux sont clos. « Tu fais de la pub pour ton club? Je vois. Chacun sa technique. » Ça sonne comme un reproche, et pourtant, je ne lui en veux pas d'essayer. En même temps, je me dis que s'il me trouvait vraiment chiante, il ne m'aurait jamais proposé ça. Quoique la tentative d'humiliation n'est pas à exclure des potentielles explications. Je tire, le ballon frappe le panneau, rebondit sur le bord du panier et percute de nouveau le parquet. « Si tu veux mon avis, tu devrais t'intéresser davantage aux bons joueurs, plutôt qu'aux mauvais. Enfin... Débutants. Je ferais tâche dans votre équipe. »

Bien sûr, il faut apprendre, le club c'est aussi pour ça, pour s'améliorer, vivre sa passion etc etc, sauf que moi, déjà, ce n'est pas ma passion, j'aime bien c'est tout, ensuite je refuse d'être sous ses ordres -j'ai une fierté tout de même-, et enfin je ne sais vraiment mais alors vraiment pas jouer. Y a pas que les paniers dans ce sport, le reste, je sais pas faire non plus. J'ai même pas les bases, je suis même pas sûre de dribbler correctement. Je suis courbée, on dirait une petite mamie ayant confondu canne et ballon de basket.

Je fourre ma main droite dans mes cheveux, soupirant. « Si ça se trouve t'as dit ça comme ça, et t'en penses pas un mot. De toute manière c'est pas un sport pour moi. Et si c'est pour entendre Skygge se foutre de moi toutes les semaines parce que je sais pas me servir d'un ballon, je te remercie, je m'en passerais. » Je m'arrête, silencieuse. Ah, je viens de laisser sous-entendre que je connais bien Skygge. Ah, merde. J'aurais préféré gardé ça pour moi. Non pas que j'ai honte de le fréquenter -au contraire-, mais ils se côtoient souvent. C'est-à-dire qu'ils se parlent. C'est-à-dire qu'ils se disent des trucs parfaitement inutiles. C'est-à-dire qu'il se pourrait très bien que Gautier ait la bonne idée de parler de moi à Sky', du genre « hey tu sais pas quoi, j'ai appris à faire du basket à ta frangine après qu'elle m'ait stalké dans le gymnase AHAHAH ».

Génial. Décidément, j'en ai de la chance. Je vais ramasser le ballon l'air de rien, revenant ensuite à ma place initiale. « Ou n'importe qui d'autre, tiens... ». C'était à la fois vraie et une excuse bidon.

« Aaaaaah d'accord ! C'est Skygge qui t'a dit de venir dans le club ! Il recrute des gens aussi, il est plus cool qu'il en a l'air ! »

Je cesse tout mouvement. Lui lance un regard surpris. Puis, pouffe. D'accord. C'est mal connaître Skygge. Comme s'il allait aborder le premier venu et lui dire de venir dans le club. Je note d'ailleurs le "plus cool qu'il en a l'air", qui me fait encore sourire. Décidément, il intimide tout Prismver. ...Ce qui est assez compréhensible, c'est vrai. Je malmène le ballon entre mes doigts, me détourne de lui. Il va penser que je me moque -bon, ce n'est pas totalement faux. disons que sa conclusion m'amuse-. Tandis que je tente par tous les moyens de détendre mes lèvres, il finit par m'adresser ces mots :

« Peu importe ton niveau, c'est s'amuser qu'est important. »

Mon sourire quitte aussitôt mes lèvres. Une efficacité redoutable. Je fronce doucement les sourcils et tourne la tête vers lui, assez perplexe. Il sourit. Je baisse les yeux, puis me tourne vers le panier en silence. Semblable au gentil des films. Ce genre de répliques m'agacent un tantinet. Tout comme elles m'attendrissent. ...C'est affreusement contradictoire. Je me positionne, et, alors que je m'apprêtais à tirer, m'arrête. Puis, soupire. Je croise de nouveau son regard et m'avance vers lui. Dernier regard pour le ballon, et je le lui fourre dans les mains.

« J'ai ni le talent, ni l'envie. Les clubs, ça m'intéresse pas des masses, je préfère encore en faire un passe-temps ordinaire. Désolée. »

Je sais pas pourquoi je m'excuse. J'ai envie de partir. De base, je n'étais pas venue lui faire la conversation, et encore moins débuter un cours de sport. Et dire que ça partait d'un simple tir foiré de sa part. A ce moment là, il n'avait d'ailleurs sans doute pas envie d'être dérangé. ...J'avoue me poser des questions à ce propos. Non vraiment, au début, il n'était pas des plus enthousiastes -ouais, enfin, il l'est pas spécialement non plus maintenant mais voilà-. En silence, je me mordille la lèvre, l'air hésitante. Ne sois pas indiscrète Voltaire, ne sois pas indiscrète.

Avec une certaine fierté, je parviens à ravaler ma curiosité -chose qu'il m'est habituellement très difficile à réaliser-. Seul problème : je suis restée plantée devant lui quelques minutes sans prononcer ne serait-ce qu'un mot. Je ne parais que plus étrange encore. Je m'empresse de m'éloigner dans un « hum » à m'éclater le front contre un mur. BREF. Je me mordille l'ongle, jette un regard à la sortie, et finis par lui révéler :

« Et. Te fais pas d'idées, Skygge recrute pas. Du moins, pas que je sache. »

Qu'il n'aille pas lui dire des conneries. Il en serait capable, j'en suis sûre.

hrp ; rp court, nul et qui en plus a tardé, désolééee.