Well... I'm crazy about you ?

L’accord gracieux qui flotte dans l’air froid de l’hiver. Ta main se saisit du stylo qui repose sur le pupitre qui trône à tes côtés et tu appliques délicatement des fines notes entre les diverses portées. Tantôt aiguës, tantôt graves. Ta canine vient lacérer doucement ta lèvre inférieure signifiant que tu réfléchis à comment retranscrire parfaitement l’air qui trottait dans ton esprit. Illumination. Ton poignet se lève au rythme de ton écriture. Une fois le stylo posé, tu reprends délicatement ton violon le calant près de ton épaule et la musique, de nouveau, transperce le silence de ton cabanon.
L’air mélodieux se termine, tu reposes avec attention ton instrument boisé dans son étui saillant. Ton regard glisse vers l’horloge. 13h45. Elle n’allait pas tarder. Ta silhouette t’est renvoyée par le miroir et tu décides à aller te préparer plus soigneusement afin de paraître plus présentable. Ce n’était pas une obligation mais il valait mieux. Et puis elle te trouverait peut-être beaucoup plus plaisante ? Non. N’y pense pas. Tu secouas la tête et partie en direction de la salle de bain où tu t’apprêtas de manière plus correcte. Le visage rafraichi, l’allure soignée, tu vas te poster dans le canapé en attendant qu’elle vienne te rendre visite pour t’aider dans tes devoirs. Les secondes s’écoulent lentement. Trop lentement. Tu tapes du pied, tu t’impatientes. Tu te lèves pour finalement faire les cents pas. Tu t’arrêtes. Tu reprends tes mouvements. Tu te stoppes de nouveau et ton esprit t’envoie à la chasse au trésor sous ton lit où trônait une de tes peintures emballée dans un brillant papier cadeau. Tu le tires de sa cachette et contemples longuement le papier aux reflets bleutés. Aurais-tu vraiment le courage de lui donner ? Un remerciement ou un cadeau de St-Valentin ? Car oui, c’était le quatorze février aujourd’hui. La fête des « amoureux ». Mais toi, tu n’en avais pas d’amoureux, et tu n’en voulais pas. Au fond, tu refoulais ce que tu désirais réellement. Et certainement que tu n’oserais pas faire le premier pas.

Tes pensées se figent dès lors que tu entends le claquement sur la porte de bois retentir. Les mouvements de ton cœur s’accélèrent tandis que tu ranges rapidement ton bien à sa place d’origine. Tu remets ta chevelure en place avant de te diriger le plus calmement possible à l’entrée de ta chambre. Ta main se pose sur la poignée sur laquelle tu émets une pression afin d’ouvrir à ton invitée. La lumière de l’extérieur t’agresse la rétine alors que tu souris tant bien que mal à ton aînée. Tu te recules de quelques pas pour la laisser rentrer.
Comme toujours, son air joyeux et malicieux lui collait au visage et comme d’habitude, sa présence signifiait la fin d’un calme apaisant. Oh, cela ne te dérangeais plus, tu y étais habituée depuis le temps. Et de toute manière sa présence était loin d’être un fardeau, au contraire elle t’enivrait d’un petit quelque chose que tu te refusais d’avouer. Tu l’invitas à s’asseoir sur le divan. Tu saisis quelques cahiers posés un peu n’importe où sur la petite table avant de lui tendre timidement.

« Hm… J’ai fait comme tu m’as demandé. J’ai tenté de refaire cet exercice ci et celui la… J’espère que je n’ai pas fait trop n’importe quoi. Je suis loin d’être experte en mathématiques et je voulais savoir si tu descellais une forme d’amélioration ? Au moins… Ça m’encouragerait à me surpasser davantage. »

Tu triturais une mèche de tes cheveux tandis que tu fuyais le plus possible son regard. Cela faisait quelques jours que tu te sentais de plus en plus gênée dès lors qu’elle se trouvait dans les parages. Il fallait que tu conserves ton calme alors tu t’efforças de sourire le moins ridiculement possible.

Comme tu faisais habituellement, tu te promenais un peu partout dans tout le pensionnat. Aujourd'hui, c'était une journée spéciale. C'était la journée des amoureux. La journée où tu pouvais facile trouver les plus belles perles rares. Tu allais pouvoir faire plusieurs belles photos. Tu allais pouvoir avoir de merveilleux potins. C'était vraiment une journée exceptionnelle pour toi. Toi la danseuse aérienne solitaire qui ne possède aucune attache, qui n'appartient à personne. Tu ne possède pas le fruit de cette journée. L'amour. Tu l'esquive la plupart du temps. Tu trouve que cet amour est encombrant. Tu as l'impression que si l'amour te touchait, tu perdrais une part de ta si précieuse liberté. En as-tu peur ? Peut-être bien. Ou peut-être que tu ne connaissais pas bien la chose et tes sentiments sont mélangés. Oui voila.. C'était probablement cela.

Tu tournoie un peu sur toi dans les airs, quelques petites acrobaties faciles pour tenter d'éliminer toutes ses pensées mélangeantes que tu venais d'attraper. Tu observe le ciel avec un intérêt toujours aussi marqué, avant de jeter un regard vers ta montre pour voir l'heure. Tu n'as pas encore trouvée quelques choses d'intéressant. Tu désespère pas plus que ça. Tu vole encore un peu avant de te souvenir de la demande d'Halina. Elle voulait que tu passe la voir aujourd'hui. Elle avait besoin de ton appréciation sur ses devoirs de ce que tu avais comprise...

Halina...
Léger soupir, tu ferme tes yeux à demi...
Halina...
Tu détourne ta tête pour regarder vers les nuages...
Halina...
Pourquoi son prénom hante-il tes pensées de plus en plus à chaque fois que tu la vois ? Ce n'est qu'une fille comme les autres. Une fille comme toutes celles avec qui tu as couchée. Une fille comme toutes les autres. Une fille avec son regard distant. Une fille fière et forte. Pourtant, ce n'est pas la première comme ça que tu rencontre. Mais elle, tu bloque un peu....

'' RAAAAAAAHHHH pourquoi pourquoi ? '' Lâche-tu simplement dans un cri alors que tu faisais du surplace. Pourquoi ça te torturait ainsi. Ça t'énervait...

Nouveau regard vers ta montre...
Tu ferme un moment les yeux avant de les rouvrir, plongeant aussitôt vers le sol dans la direction de ta cabane. Halina t'attendait pour ses exercices. Elle allait encore te bouder comme les dernières fois car tu es un peu en retard. Tu descend à vive allure vers le sol avant de poser pied sur le sol devant la cabane. Tu reste un moment à l'observer avant de détourner ton regard. Tu allais devoir faire une croix sur ta journée à potin. Triste sort... ou pas. Tu ouvre la porte de la cabane pour te diriger vers ta chambre d'abord. Tu ne cherche même pas Halina du regard. Tu entre dans ta petite chambre pour aller poser la plupart de tes appareils sur ton lit. Tu en garde seulement un avec toi. Tu t'observe un instant dans ton miroir, avant d'émettre un petit soupir. Tu te retourne lentement pour te diriger finalement vers la chambre d'Halina. Un grand sourire sur tes lèvres comme à ton habitude, un air enjoué t'enveloppant ainsi que tes cheveux en bataille te donnent un air des plus épic. Tu as l'air d'une folle de première. Tu porte comme a ton habitude l'uniforme de ton ancien lycée.

Sautillant un peu, tu gambade joyeusement vers la chambre de ton amie. Tu n'as même pas le temps d'ouvrir la porte que cette dernière l'ouvre devant toi. Mesure de sécurité? Probablement. Elle avait bien déja vue que tu as tendance à ouvrir à la volée les portes. Donc... Halina devait prendre ses précautions probablement. Tu lui souris simplement. Ça t'amuse vraisemblablement. Tu penche la tête de coté en la reluquant un peu... Vieux réflexe que tu possédais depuis un moment déja. Elle était plus jolie Halina.. Alors ton regard avait parfois tendance à loucher. Généralement, tu recevais une réprimande de sa part. Pourtant cette fois non. Tu la suis sans parler un peu surprise. Tu saute simplement sur le divan pour t'y asseoir de manière étendue. Tu es tellement l'opposée d'elle. Tu es si énergique et fofolle alors qu'elle était si silencieuse et réservée. Pourtant, tu trouvais son petit coté fille modèle si inspirant et intrigant. Tu souris toujours alors qu'elle va chercher des cahiers. Tu porte ton regard un instant vers le sien. Tu hausse un instant un sourcil. Halina semblait différente. Tu avais l'impression qu'elle était un peu changée. Tu réfléchis un instant en la contemplant, avant de finalement lever les épaules, attrapant les cahiers au passage avec ta délicatesse énergique.

« Hm… J’ai fait comme tu m’as demandé. J’ai tenté de refaire cet exercice ci et celui la… J’espère que je n’ai pas fait trop n’importe quoi. Je suis loin d’être experte en mathématiques et je voulais savoir si tu descellais une forme d’amélioration ? Au moins… Ça m’encouragerait à me surpasser davantage. »

Tu observe ses cahiers en silence, ton regard se dirigeant vers ses calculs. Tu fais mine de réfléchir un moment, tandis que tu tente d'avoir l'air sérieuse, même si cela ne te réussit pas, car en réalité, tu l'observe par dessus les cahiers. Tu la trouve étrange en ce moment. Tu finis par poser un instant les cahiers sur tes jambes, tu attrape à la volée ton appareil d'une main et tu la prends sournoisement en photo avant de reprendre aussitôt les cahiers pour tenter de dissimuler ton crime avant de finalement élever la voix pour une fois.

'' C'est pas mal je trouve ! Tu réussis bien maintenant. Tu vois quand tu t'acharne.. Tu réussis finalement à avancer encore plus. Je me suis acharnée beaucoup pour réussir enfin à être en B. Avant j'étais pas dans cette classe.. Alors... Bref. C'est super Halina, tu t'améliore beaucoup. Bon, il y a quelques faiblesses dans ton raisonnement comme là et là.. Mais c'est très bien. '' Tu pointe deux endroit sur les équations où tu crois qu'elle aurait pu faire mieux. Tu souris toujours autant finalement. '' Pardon, je suis pas très présentable... J'étais dehors avant... Alors... ''

Tu pose les cahier sur le divan alors que tu lève ta main droite pour te gratter la tête en la fixant en tentant d'avoir l'air gênée de la situation alors que tu ne l'es pas en fait.

'' Alors, je devrais.. y aller pour me changer.. non ? ''

En silence, tu te lève lentement du divan en détournant ton regard. En fait, cela ne te dérangeais pas d'être ainsi, peut-être qu'elle aussi. Mais là, tu jouais la comédie. Tu tentais de voir et comprendre pourquoi elle était gênée. Impossible que ce soit de ta faute. Elle te l'avais déja dis par avant qu'elle n'était pas intéressée.. Ce que tu respectais.. En général...

HRP : dsl.. j'emprunte ton code é.è

La lumière filtre à travers les fenêtres réfléchissant sa vivacité sur le blanc des meubles modernes. Cet éclat t’agresse légèrement l’iris alors que tu tentes de conserver un œil passif sur Francesca qui te prend ou plutôt t’arrache des mains tes cahiers avec son tact naturel. Tu soupires, néanmoins ce n’est pas de lassitude mais plutôt consternée, moqueuse. Ton attention se reporte sur ton « professeur » tandis qu’elle semble étudier minutieusement tes notes mais bien sûr, le calme ne dure jamais longtemps. Un mouvement rapide digne d’un paparazzi, un flash qui t’aveugle quelques secondes qui ne te permet même pas de réagir ne serait-ce qu’un peu et dans une illusion parfaite, elle retourne à tes devoirs comme si rien ne s’était passé. Le silence tend à devenir pesant et malgré tout tu l’apprécies tout de même. Bel esprit de contradiction que tu possèdes. Cependant il permet de cacher ta gêne que tu peines à masquer et tu savais d’avance qu’elle remarquerait que tu étais quelque peu tendue. Tu continues à triturer tes mèches de cheveux tandis qu’elle prend la parole.

« C'est pas mal je trouve ! Tu réussis bien maintenant. Tu vois quand tu t'acharne... Tu réussis finalement à avancer encore plus. Je me suis acharnée beaucoup pour réussir enfin à être en B. Avant j'étais pas dans cette classe... Alors... Bref. C'est super Halina, tu t'améliore beaucoup. Bon, il y a quelques faiblesses dans ton raisonnement comme là et là... Mais c'est très bien. »

Soulagement. Mais lequel ? Celui d’avoir réussi mieux que d’habitude tes exercices ou celui dû à la rupture du silence ? Une fois de plus, tu te retrouves perturbée. Pourquoi cette fille te retourner les nerfs à vif ? Après tout elle était tout ce que tu n’étais pas. Bruyante, enjouée, moulin à paroles, déterminée, curieuse, souriante, sûre d’elle… Tout ce que tu aurais voulu être finalement. Une part de jalousie se décuple dans ton cœur mais également de l’admiration. Admirative de ce qu’elle t’apprenait, admirative de son aide, admirative de sa beauté, admirative de sa personne. Et c’était pour cela que tu t’étais accrochée à elle, que tu avais finalement cédé à son amitié qui était peut-être la plus chère à tes yeux. Une amitié qui n’était pas comme tous les autres, qui te laissait quelques sous-entendues, qui t’emplissait d’une gêne mais pas de honte mais plutôt de paroles inavouées, refoulées.

« Alors, je devrais... y aller pour me changer... non ? »

Déclic. Tu sursautes en entendant sa voix. Depuis combien de temps elle te parlait et que tu l’ignorais sans t’en rendre compte ? Partir ? Où ça ? Se changer ? Ton cerveau tente d’assimiler ses dernières paroles à vive allure mais la seule chose que tu sembles retenir c’est qu’elle souhaite partir. Tu jures intérieurement. Elle avait ressenti ta gêne et se sentait probablement de trop, chose que tu ne voulais pas qui arrive. Dans un élan de panique tu te lèves vivement et viens te caler devant elle alors que la porte se trouvait qu’à quelques centimètres de vous.

« Attends ! Hm… Tu sais ça ne sert à rien de te changer, tu es très bien comme ça et puis tu sais très bien que j’ai plus l’habitude de te voir avec cette prestance plutôt que d’être parfaitement impeccable… »

Pause. Tu avais débité ses paroles peut-être trop rapidement alors tu repris légèrement contenance avant de soupirer et relever les mèches qui tombaient sur ton front avec ta main.

« Si vraiment tu ne te sens pas à l’aise ainsi, tu peux partir après tu agis comme tu le souhaites… Mais… Mais… »

J’ai envie que tu restes à mes côtés. Cette pensée te traversa telle une flèche, une évidence. Mais tu l’avais déjà rejeté, il y a quelques temps alors hors de question de prétendre à ce genre de pensées. Idée. Stupide idée.

« J’ai préparé un moelleux au chocolat et je voulais que tu le goûtes… Et c’est également un remerciement pour ton aide car un jour il faudra bien que j’arrive à me débrouiller… Sans toi. »

Dure vérité, tranchante. L’oiseau devait prendre son envol et quitter  le nid familial. Un jour elle trouvera une autre personne à qui proposer son aide et ce jour, tu passeras avec certitude au second plan… Sauf si… Hésitation. Tu secoues la tête. Non. Tu tentes de sourire, agréable, refoulant tes mensonges. Tu te sens un peu coupable mais c’était le seul moyen crédible de la faire rester. Même encore quelques minutes. Aussi courtes pourront-elles être. Tu te diriges vers la cuisine et sort du frigo la dite pâtisserie avant de la poser sur le comptoir. Gênée, tu baisses les yeux.

« Je ne l’ai pas encore goûté mais j’espère qu’il sera potable. C’est la première fois que je cuisine ce gâteau et… Oh désolée. Tu as sans doute autre chose à faire que de m’écouter déblatérer des âneries. »

Regards fuyants, tu essayes de converser ton calme priant intérieurement pour ne pas qu’elle fuit. Parce que ça ne te tuerais pas, mais ça te chagrinerais.