burn brighter than the sun ✿ SCOTT

« Hey Betty tu veux pas faire une pause ?»
« Non non ça va très bien merci ! »
C’est fidèle à elle même, sourire aux lèvres et fossettes creusées qu’elle répond au coach, qui après un haussement d’épaules s’en va vaquer à ses occupations.
Tic tac. Elle ne sait plus depuis combien de temps elle est entrée dans cette salle de sport, et depuis combien de temps elle passe de machines en machines.
Elle ne ressent aucune fatigue. Rien dans ses muscles, rien dans son corps qui tire ou qui s'endolorit. Elle qu’avait l’intention de se crever jusqu’à en dormir, elle n’y arrivait simplement pas. C’était dans ces instants que son don se transformait en malédiction.

Elle resserre sa queue de cheval, remonte la bretelle de son débardeur et monte sur le tapis de course. Ses mains se crispent sur les poignées, alors qu’elle prend une grande inspiration, commençant à trottiner à un bon rythme. La musique qu’elle a glissé dans ses oreilles lui intime d’aller plus vite, et elle accélère, encore. Et encore. Et encore.

Quatre jours depuis que son bungalow a brûlé, et quatre jours qu’elle affiche une bonne mine - idiote insouciante. Pourtant, elle ne va pas si bien que ça, Mack, quand elle se réveille chaque nuit en sueur, le coeur paniqué et les yeux exorbités. Quand elle vérifie bien que tout le monde dort autour d’elle avant de se rouler en boule dans sa couette. Quand elle entend encore la voix de Lukas crier à l’agonie, à n’importe quel moment de la nuit. Quand elle se dit que ses parents n'ont même pas répondu à sa lettre pour savoir si elle allait bien. Quand elle se rend compte qu'elle n'a plus rien ici, à part un tas de cendres, morne et gris.
Et parfois, elle a même peur lorsqu’elle aperçoit ses cheveux - si flamboyants flotter dans l’air.

Mais elle dit rien, elle prend tout sur ses épaules de grande fifille, parce que les héroïnes ça pleure pas. C’est jamais faible. Alors encore moins une fille forte comme elle.

Le seul moyen qu’elle a trouvé pour évacuer tout ça, c’est le sport. Alors elle s’acharne un peu, quitte à rester trop longtemps - elle veut juste s’écrouler de fatigue, passer une bonne nuit sans cauchemar et reprendre sa vie de manière tout à fait normale et détachée. C’est pourtant pas tant demander, non ?

Elle secoue la tête pour chasser les pensées qui s’accumulent dans sa petite tête qu’a pas beaucoup de place, et relève la tête, plantant ses yeux droits devant elle.
Plantant ses yeux droits devant lui.
Lui là. Torse nu qui plus est.
Nu.
Oh mon dieu.

Cri aigu, et jolie gamelle - elle tombe du tapis, atterrissant directement sur ses fesses. Un grognement aussi indistinct qu’inhumain file d’entre ses lèvres.
Scott. Qu’est ce que Scott faisait là ? Scott c’était ce A - récemment devenu C, qu’elle aimait beaucoup. Un peu très beaucoup. C’est qu’il est attirant quand même. Il a un très joli dos, selon elle. Et il est intelligent. Et elle sait très bien qu’il la remarquera jamais, alors il y a pas de mal à dire qu’il est beau, non ? Et et.
Et elle est désespérée.

Elle sent très rapidement le rouge - le rouge des E - lui monter aux joues, et elle essaie en vain d’essayer de se cacher avec ses cheveux attachés. Crinière de feu.

Flammes, peur, le sang de Lukas partout partout, jusque sur ses doigts.

Ca la prend d’un coup, la chope au bide, la fait trembler. Les larmes commencent à monter - toujours là au mauvais moment les traitresses. Mais Mack les empêche de couler, et ravale ses sanglots - se frappant les joues pour se redonner consistance. Quand elle se tourne vers Scott, genoux au sol, elle a réussi à remettre en place ce sourire qui la définit. Ce sourire qui la soutient. C’est à peine si l’on peut encore apercevoir la terreur qui s’était glissée en elle un peu plus tôt.

« Scott ! Tu m’as surprise, tu vas bien ? » Elle a le coeur qui palpite à cent à l’heure, et les ongles plantés un peu trop fort dans ses bras. Ses joues toujours peintes de cette onctueuse gêne.
Prise en plein délit de faiblesse.
Faible pour lui.

Elle reste un instant stupide, étourdie, suspendue dans un sourire lointain. Hochant distraitement de la tête lorsqu’il lui demande si elle va bien.

Qu’est ce qu’ils ont tous avec cette question, ces derniers temps ? Avant, on lui demandait pas si elle allait bien. Avant, tout est était limpide, clair - elle n’avait qu’à leur sourire pour leur montrer ce qu’il en était.
Alors quoi ? Est-ce que sa fausseté se voit tant que ça ? Les gens commencent à douter de ses sourires - de sa seule défense, sa seule arme. Pourtant même elle n’est pas rendu compte d’à quel point ils étaient devenus douloureux.

Elle n’a pas le temps d’y penser plus, le voilà qui tend sa main vers elle, en une parfaite illustration du prince qui emmène sa princesse au loin. Et ça l’éblouit. Ca la réconforte. Parce que depuis un moment, elle arrivait plus à ranger les évènements de sa vie dans son petit tableau qui sépare le bien et le mal - la ligne entre les deux s’estompant trop rapidement.

Mais quand il était là, elle ne doutait plus. Quand il était là, tout était bien. Tout était parfait.
Regardez moi cette niaise qu’arrive plus à réfléchir face à une belle ceinture abdominale. Amatrice. D’ailleurs, il a pas un peu maigri ? Spectre d’inquiétude et de doute dans son regard, elle glisse sa main dans la sienne pour se relever en prenant garde de ne pas s’accrocher trop fort - manquerait plus que ce soit lui qui tombe. Et c’est presque en luttant qu’elle arrive à décrocher son regard de son torse pour le regarder dans les yeux.

Putain, en fait, c’est pas beaucoup mieux.

« Si t'as besoin de quoi que ce soit, je suis là. »
« Oh t’inquiète pas, ça va ça va. » Rire un peu gauche.Tu te sens vraiment capable de mentir encore longtemps comme ça, Mack ? De lui mentir à lui ? Elle reste un instant figée, muette. La gêne commençant à lui coller au coeur et au corps - tendu par ses précédents efforts.  Et les flammes qui reviennent. Dansent dans tête, lèchent ses souvenirs. Frisson.

« Bon, en fait, ça va pas SI bien que ça ... » Le doute s’infiltre dans ses grands yeux bruns - ceux qui ressemblent à ceux d’un chien trop fidèle, connerie liquide dans les pupilles. Elle a chuchoté ces simples mots, comme s’il s’agissait d’un aveu abominable - comme si elle avait tué quelqu’un. Comme si pas être dans son assiette, c’était criminel - et que tout de suite, là, elle était coupable.
Elle croise le regard de Scott, et tout lâche.
C’est la fatigue de ces derniers jours qui s’écrase sur ses épaules. La peur qui la chope au bide. La digue qui était sensée retenir le flot de ses émotions qui craque.
Et le niveau de l’eau monte dans ses yeux perdus - elle se met à voir flou, alors que de grosses larmes glissent le long de ses joues.

Fatigue. Tous les jours sans dormir, tous les jours à sourire.
Peur. D’avoir tout perdu, d’avoir failli mourir, d’avoir été oubliée par sa famille.

Elle craque, la grande Mack. Elle se dépêche d’essuyer ses larmes avec son débardeur, les doigts crispés autour du tissu. Ventre à l’air, elle n’ose plus montrer son visage. Il est moche, son visage, quand elle sourit pas - c’était hors de question qu’elle lui montre ça. Surtout pas à lui.

« Désolée j’ai juste besoin de deux secondes ahaha ... »
Deux secondes pour refermer la brèche, pour effacer les traces de fêlures, qui se sont propagées jusque dans sa voix.
Juste deux secondes.

Elle frotte, frotte ses yeux humides avec le bas de son haut, avec ses poings, comme une enfant qui essaye tant bien que mal d’effacer ses larmes. Elle a fait attention à bien rester silencieuse, même si un hoquet a franchi ses lèvres - un peu trop fort. Un peu trop ridicule.
Après ces fameuses ‘deux secondes’, elle a réussi à expirer ses émotions.
C’est bon, elle y arrive quand elle veut - et bientôt elle lâche le tissu pour dévoiler les marques rouges sous ses yeux encore fermés. C’est qu’elle a frotté avec tout ce qu’elle avait - elle qu’a toujours beaucoup. Beaucoup trop. Inspiration, elle recompose son joli sourire, tout en quenottes et en lèvres étirées.

« Voilà voil- »
Blocage. Le visage de Scott est vachement proche tout d’un coup.
Son coeur a un raté, alors qu’elle capte son regard, et qu’elle plonge, succombe - pareille à une phalène attirée par la lumière. Bam bam, c’est la course qui démarre dans son palpitant, c’est ses mains qui tremblent et le rose qui noie les tâches de rousseur de ses joues. Complètement pétrifiée alors que les doigts du jeune homme glissent sur son menton, il y a comme un début de rire nerveux qui la prend.
Attend là, il ne va quand même pas -

Et il l’embrasse. Et elle est choquée.
Elle en oublie même de fermer les yeux.
C’est qu’il a les lèvres douces quand même.
Focus, Mack.

Pour le coup, elle est certaine d’être morte, puis revenue à la vie, son âme se barrant pour faire un petit tour dans la salle de muscu’, tranquille. Non mais Scott ne venait pas de l’embrasser, elle. C’était impossible. Ses yeux clignotent, papillonnent dans tous les sens, incrédules.

« Je t'aime et je n'aime pas te voir triste comme ça. »
« M-mais euhm je veux dire qu- ahaha. ahaha. »  Double kill, gg Scott. On l’a perdue.

Finalement, le rire nerveux parvient à franchir ses lèvres et elle tente de remettre quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles. Sauf qu’ils sont attachés.
Alors elle panique encore plus. Et bon sang, qu’est ce qu’elle a chaud tout à coup - de vrais petits soleils qui brûlent à chacun de ses joues.

Dans son cerveau, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, qui ne marche plus.
Parce que Scott, c’est le prince parfait. Le type parfait. Celui qui dans un lycée normal serait l’un des plus populaires et désirés. Elle même, elle l’a longtemps regardé de cette manière - une étoile hors d’atteinte qu’est là juste pour le plaisir des yeux. Alors qu’il lui dise ça à elle, parmi toutes, ça dépasse son entendement. Parce qu’elle n’est pas jolie. Pas délicate. Pas fille. Beaucoup trop grande. Et qu’à chaque fois qu’elle lui parle, elle finit toujours par se mettre la honte.

Et pourtant, trop naïve, c’est l’espoir qui la prend, l’habite, qui fait briller ses yeux chocolats. Elle referme sa bouche restée ouverte, se mord le bas de la lèvre - elle peut encore sentir sa chaleur.

« Je. » C’est un début. Mais encore ?
Bordel, si elle avait su que pleurer ça avait cet effet, elle se serait lâchée depuis longtemps. Bref. « T-tu parles de m’aimer en tant qu’amie hein ? Parce que ça m’étonnerait que - » Sauf que les amis ça s’embrasse pas Mack. Même si c’est ce que t’as fait avec Lukas - mais bon, on va dire que l’alcool t’avait aidée. Mais il a pas l’air bourré, Scott, non, au contraire. Il a l’air trop frais, toujours aussi torse nu et aussi proche d’elle et de son coeur qui syncope. Elle est sûre qu’il peut l’entendre. Alors elle tente de parler, pour le distraire.
De parler pour cacher le bruit de ses sentiments pour lui.

Deuxième tentative. « Merci d’avoir voulu m’aider c’est trop gentil mais fallait pas faire ça parce que maintenant  -» Bon ok, elle est définitivement cassée - c’est les derniers neurones de sa cervelle qui viennent rendre l’âme. Crevés d’amour.

Déglinguée au point qu’au lieu de finir sa phrase, elle plaque ses deux mains sur les joues de Scott et colle son visage au sien dans un baiser un peu trop impulsif.
Elle a oublié qu’elle était en pleine salle de sport, remplie de monde - qu’elle était sur Terre tout simplement.  C’est seulement après, après qu’elle l’ait embrassée jusqu’à en être à bout de souffle qu’elle réalise - et qu’elle porte sa main devant sa bouche. Complètement paniquée - elle chuchote, haletante.
« Désolée ...» Les yeux sertis d’étoiles.