« On se donne rendez-vous quelque part et on en discute, OK ? » | Aaron

Le ciel, le soleil, la mer. Ils étaient tant entremêlés que mes yeux ne pouvaient discerner qui était qui. Ils étaient imbriqués l’un dans l’autre à tel point que je me demandais, en observant ces dégradés de couleurs qui me brûlaient les yeux, si même eux pouvaient différencier leur existence des autres. Les puristes diraient qu’ils sont à des kilomètres de différence, que ce n’était qu’un jeu de lumière, mais pour moi, cet embrasement me laissait toujours un goût amer en bouche. J’étais jaloux, peut-être. Ils ressemblaient à des amoureux après une nuit d’amour, essoufflés, rouges, et laissant les voiles du sommeil recouvrir leur passion, comme las d’avoir trop brûlé l’un pour l’autre.

Le jour, le ciel était partagé entre la mer et le soleil, comme un homme hésitant entre sa maîtresse et sa femme. Le soir, l’infidélité n’était qu’une bagatelle, puisque tout le monde consentait à aimer tout le monde. La nature n’avait pas de mœurs. La nature n’avait aucun code. Aucun comportement à adopter.

Je n’étais pas triste – même si mes pensées le laissaient imaginer –, j’attendais juste, et la robe de nuages qui habillait la voûte céleste dans ses derniers éclats captivait mon attention.

J’attendais quelqu’un. Un certain Aaron. Des filles disaient qu’il était beau. C’était donc une personne que je ne pouvais apprécier car les belles personnes avaient la fausse modestie de dire qu’elles n’étaient « pas si spéciaux que ça » alors que la moitié des personnes à la ronde se pâmaient devant leur visage ou chuchotaient sur comment les mettre dans leur lit. Surtout que ces gens essayaient d’être toujours désirables et prétextaient un vague « oh, désolé, je n’ai pas eu le temps de bien me préparer » alors qu’ils attiraient le regard de tous avec leurs beaux cheveux et leurs beaux vêtements – car de toute façon, quoi qu’ils disent, quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils portent, leur beauté rendait tout spécial. C’était injuste de pouvoir mentir impunément et quand même avoir du succès.

Bref, j’attendais un certain Aaron, un gars en B, comme moi, donc je pouvais m’attendre à quelqu’un de moins ignoble qu’un A, de moins agressif qu’un E et de plus coincé qu’un D – les C étant tellement dans la moyenne que je ne savais même pas comment les impliquer. Plus vieux. Et qui venait pour me parler de je ne savais quel objet que je lui aurais pris, comme si j’avais besoin de m’attirer des problèmes alors que je ne demandais qu’une vie paisible dans le foutoir de ce pensionnat – et l’égalité, mais c’était une autre histoire, ce n’était pas impliqué dans ma vie sociale. Or, il venait déranger mon pseudo-équilibre avec ce LMS. Je poussais un soupir et observais la buée se fondre dans le paysage.

Le soleil avait commencé à se coucher à seize heures. J’attendais depuis une heure – parce que je ne voulais pas manquer le spectacle. J’avais au moins un prétexte pour rester assis là.

J’avais troqué ma veste d’uniforme pour un pull et par-dessus un manteau. J’avais même enroulé une écharpe autour de mon cou, enfilé des gants et pris un bonnet. J’étais prêt à affronter le froid. Et celui qui m’avait proposé de le retrouver.

J’avais emmené une lampe torche, au cas où, mais avec le ciel étoilé et la lune, tout paraissait clair comme en plein jour. J’entendis des pas. Il était là. Je me relevais, époussetais mes fringues et jetais un regard derrière mon épaule. Pitié qu’il ne me tabasse pas.
HRP : Je savais pas comment appeler ce truc, srsly.