It's been a long time [RP FLASHBACK] | Aileen

Ça faisait longtemps qu'il n'avait plus prit l'habitude de faire le tour des lieux qu'il visitait, longtemps d'ailleurs qu'il avait arrêté de visiter quoique ce soit. Pourtant, cette fois, il avait choisit de s'évader, de tout quitter une nouvelle fois pour se réfugier ailleurs, sans personne qui puisse le contredire. Sans personne qu'il connaisse à ses cotés pour le faire chier sur les conneries de la vie. Il avait atterrit ici un peu par hasard, après avoir découvert un pouvoir dont il ne comprenait rien. Du peu qu'il savait, il pouvait se transformer en chat, et il trouvait ça plutôt idiot. C'est vrai quoi, des chats y en avait partout, il ne faisait que s'ajouter lui-même à une longue liste d'animaux indésirables aux yeux d'énormément de gens. Mais, au moins, il saisissait mieux les soudaines envies de poisson grillé qui le prenaient depuis quelques temps.

Il avait les mains dans les poches de son uniforme et traversait les couloirs d'un pas lent sans trop savoir où il allait. Il passait les portes au hasard et esquivait le plus de monde possible, il voulait être seul. Et il voulait pas aller en cours, pas maintenant. Alors il avait prit les escaliers et il était monté, plus haut, toujours plus haut, jusqu'à atteindre les toits. Là au moins il était certain d'avoir la paix, sûr de pouvoir penser à la façon étrange dont tournait sa vie. Il avait quitté sa tante la semaine précédente et il ne la regrettait pas, mais ici il ne s'y faisait pas. Trop de nouveautés, trop de gens étranges. Trop de magie, sans doute. C'était pas assez simple à son goût mais il s'y ferait, il s'était promit de faire un effort sur ça et d'essayer de s'intégrer. Au moins un peu, juste un tout p'tit peu.

Son pied claqua la porte d'un coup sec avant qu'il ne se laisse tomber contre le mur tout près, heureux d'avoir enfin trouvé un endroit où il pourrait poser ses fesses en toute tranquillité. Puis, machinalement il avait porté son regard sur ce ciel bleu et sans nuages qui planait fièrement au-dessus, sortant instinctivement de ses poches briquet et cigarette qu'il porta à sa bouche. Mécanisme rodé depuis un moment maintenant et qui ne s'effacerait plus jamais. Il aimait regarder le ciel, Nevada, parce que ça lui rappelait la liberté qu'il n'aurait jamais. Et ça le faisait sourire, au fond, de savoir qu'il était coincé dans un monde aussi triste que celui dans lequel il vivait, avec tous ces gens un peu idiots qui, pour beaucoup, croulaient sous les regrets.

- C'est pathétique. Douce parole murmurée à l'égard du vent alors qu'il tirait sa première taffe, baissant son regard vers l'horizon.

C'est la qu'il la remarqua, enfin. Elle devait être là depuis un moment, à le regarder jouer sa vie sans la calculer. Mais, Nevada, c'est pas celui qui fait attention aux autres, c'est celui qui ne se concentre que sur sa petite personne, en bon égoïste qu'il était, alors.. Il avait vraiment pas fait attention, et à vrai dire ça le faisait chier. Genre vraiment.

- Fait chier.

Soupir de frustration, il se releva dans un élan rapide pour atteindre la poignée de la porte et se barrer d'ici. Mais on lui avait pas dit quelle déconnait, la porte, on lui avait pas préciser qu'il fallait éviter de faire le boulet et de la claquer comme une une merde, parce qu'elle s'ouvrirait pas. Et Nevada il était un peu con sur les bords, il y a pas pensé, il l'a claqué. Et elle s'ouvrait plus la porte, elle était bloqué et lui avec. Poisse monumentale pour le gars qui séchait juste pour tenter de trouver un peu de paix. Fallait pas qu'il joue au loto, p't'être la semaine prochaine ou le mois d'après. Mais aujourd'hui c'était mort, complètement hs et débile de tenter d'avoir ne serait-ce qu'une once de chance. Heureusement qu'il était pas assez con pour acheter plus d'un ticket par semaine.

Il décocha un faible coup de poing à la blindée qui l'empêchait de s'enfuir à la recherche d'un nouvel endroit secret, l’injuria d'ailleurs d'un peu tout c'qui lui passa par la tête avant de se retourner vers la jolie blonde qu'il avait aperçue plus tôt. Le contre-jour l'empêchait de voir plus qu'une silhouette qui le fixait, il le savait, depuis qu'il était entré. Mais elle avait pas parlé, il savait pas trop pourquoi.

S'il avait réfléchit, il se serait pas approché, il se serait seulement contenté d'aller fumer plus loin. Mais, Nevada, il était curieux et il appréciait pas vraiment qu'on le fixe comme s'il venait de massacrer un pigeon dégueulasse -qui ne méritait que ça, soit-dit en passant. Alors il avait fait une croix sur sa solitude et plus il avançait de ce pas nonchalant vers cette fille, plus ses formes se précisaient.

Plus petite que lui d'un bon dix centimètres, de longs cheveux blonds platines, un style punk et des iris bleus-gris. De magnifiques iris bleus-gris. Ce fut sans doute ce qui lui permit de la reconnaître, elle, l'une des seules amies qu'il avait eu avant. Il s'arrêta à quelques mètres d'elle, clope fumante toujours au bec, et mains dans les poches comme à son habitude. Il était surpris, parce qu'il se savait malchanceux, mais pas à ce point. Il s'y était pas attendu, si on lui avait prédit il n'y aurait pas cru. Pourtant elle était bien là, devant lui, elle n'avait pas changée. Elle avait juste grandit depuis les années, mais elle n'avait pas changée. C'était sans doute le plus surprenant.

- Yo.

C'était dit d'une voix calme, qui ne trahissait rien de son étonnement, à celle qui le toisait, l'air affreusement mécontent depuis tout à l'heure. Il attrapa sa cigarette pour recracher sa fumée, mais il ne détourna pas le regard un seul instant. Parce que si elle semblait remontée contre lui, il préférait admirer la femme qu'elle était devenue, en silence. Et il avait l'air un peu blasé, Nevada, quand il tapota son précieux pour en faire tomber la cendre.

Inexpressif à l'extérieur mais bien heureux à l'intérieur.

- Ça fait un bail, Aileen.

- Ferme ta gueule.

C'était mérité. Fallait pas s'attendre à un accueil chaleureux après avoir fait preuve d'autant de connerie, il le savait mais il n'avait pas pu cacher sa surprise. Comme s'il ne s'y attendait pas, comme si.. C'était sans doute le fait d'entendre sa vox après tout ce temps, le plus surprenant. Il avait oublié à quel point il adorait cette voix, il la trouvait séduisante et carrément sexy et il ne s'était pas privé de lui dire, à l'époque. Elle était devenue légèrement plus grave avec le temps, mais ça lui donnait un charme fou, à Aileen, un charme qu'il ne pensait pas retrouver. Pas aussi évolué.

La cigarette rejoignit ses lèvres une ultime fois avant que le mégot ne finisse sauvagement piétiné au sol, laissant une preuve éphémère de son passage ici. Il la fixait, toujours, depuis le début. Il ne la quittait pas des yeux parce qu'elle ne semblait pas vouloir le faire non plus, il voulait pas être le premier. Nevada détestait être le premier, le plus fort, il trouvait ça idiot. Et dans ce cas, il voulait pas être le plus faible non plus, parce qu'il savait que sa jeune amie ne le louperait pas. Amie.. Est-ce qu'ils l'étaient encore ? On ne pouvait lire le doute qui planait dans son regard inexpressif, mais on comprenait aisément la situation. Fallait qu'il se rattrape, qu'il trouve un truc, n'importe quoi, pour pas briser plus encore cette relation plus que fébrile.

- Pas un mot pendant tout ce temps, me fais pas croire que maintenant t’en a quelque chose à foutre, Nevada.

Parce qu'elle est importante, malgré les apparences.
Parce que, putain, il veut pas la perdre.
Pas elle, pas Aileen.

- Tu ne me frappes pas ? C'est c'que fond les filles dans ce genre de situation. C'est ce qu'elles font toutes, tout le temps, pour évacuer leur frustration. Une ébauche de sourire naquit sur son visage, taquin. T'es frustrée ? Tu pourrais.. Ou alors t'as simplement la rage, ça se comprend aussi. Masochiste et suicidaire.

Il la contourna pour se rapprocher du dangereusement vide, le regard perdu dans le ciel de midi. Il avait perdu finalement, mais il ne savait plus. Dans quelle catégorie était-il, les forts ? Non sans doute pas, pas après avoir agit lâchement toutes ces années, ça l'arrangeait bien , au fond. Mais il n'était pas faible non plus, du moins c'est ce qu'il se plaisait à penser. Alors, au final, Nevada qu'est-ce que c'était ? Un électron libre, sans doute, un mec avide de liberté et de tranquillité, un gars qui souhaitait vivre sa vie normalement, comme tout le monde. Sauf que c'était pas monsieur tout le monde, il le savait. Il pouvait pas être un type ordinaire, pas ici. Parce qu'ici ils étaient tous différents des autres, différents de la société. C'est pas qu'il était pas d'accord avec ça, il en n'avait pas grand chose à faire d'être différent, c'est juste que pour le coup ça l'faisait chier. Vraiment.

- Je regrette pas, si tu te poses la question. Ça sert à rien d'regretter, de toute façon. Mais tu m'as manquée, que tu me crois ou non.

C'était bizarre au début, bizarre de plus pouvoir jouer avec toi dans ce square. Bizarre de plus entendre tes rires, bizarre de plus voir la tête que tu tirais à chaque fois que je me ramenais avec un nouveau cover super étrange à jouer. Parce que c'était amusant de te taquiner, c'était cool d'être avec toi. Mais j'ai pas pu reprendre contact, j'ai pas eu assez de courage pour le faire.

Il se tourna vers elle, laissant son dos se poser docilement contre la rambarde fragile qui le protégeait du grand saut -qu'il voulait pas vraiment tester. Nouvelle clope, nouvelle taffe. Il fumait pour tenter de faire s'évaporer la vague de sentiments contradictoires qui se bataillaient dans son cœur. Il était juste paumé, mais ça ne se voyait pas. Ça s'voyait jamais. Il avait apprit à cacher tout ça avec le temps, pour éviter de souffrir. C'est pour ça qu'elle était sa seule amie, Aileen. Pour ça qu'il voulait pas la perdre, même s'il était conscient qu'il ne méritait que ça.

- T'as pleuré ?

Boulet.

Déstabilisé et perdu.
Si on lui avait prédit qu'un jour il ressentirait cette envie d'en finir réellement, celle de tout laisser tomber après une seule phrase, à l'apparence pourtant anodine, il n'y aurait pas cru. Il aurait rigolé, franchement de tout son coeur, il vous aurait charrié, parce qu'enfin, voyons, c'était impossible. Impossible parce que Nevada était seul, Nevada n'avait d'attache pour personne, Nevada fuyait et n'espérait plus. Et pourtant, pourtant elle était là, Aileen, avec sa sincérité et ses mots tranchants. T’as croisé une autre fille assez conne pour penser que le temps passé ensemble aurait une importance pour toi. Non Aileen, t'y es pas, c'est pas ça c'est. C'est elle qui. Y’en a eu beaucoup ? Son cœur s'arrêta, et c'est son âme qui se perdit, son corps qui tremblait, sa tête toute entière qui explosait, vaincu par les souvenirs, vaincu par cette provocation vide de sens.

Nevada n'a jamais été un don juan, un coureur de jupon comme on en trouvait encore un peu partout aujourd'hui. Les filles il en restait loin, il préférait être seul plutôt que de s'encombrer d'une petite amie niaise à souhait -parce qu'il avait son père et que ça lui suffisait. Mais finalement, lui-même avait finit par succomber au charme féminin, et il avait trouvé en Grey l'accroche qu'il avait perdu à la mort de son père, il s'y était attaché, un peu trop, et au final elle l'avait abandonné. Il ne se souvenait même plus des raisons, et d'ailleurs quel quelles fût il s'en foutait royalement, il avait souffert, Nevada, et aujourd'hui encore il souffrait, parce que c'était récent. Et ce qu'Aileen ignorait, lui le savait, il le vivait encore à l'instant.

Comme si c'était hier.

Il était dur dans ses mots, sarcastique et bien trop honnête, il tentait de se cacher, de la faire s'en aller. Sa tête tournait, douleur atroce qui lui filait la nausée. Va t-en Aileen, laisse-moi, laisse-moi seul tu vois pas qu'tu me fais du mal ? Elle ne pouvait pas voir, elle ne pouvait pas savoir parce qu'il cachait tout ça trop bien. Mais cette agressivité dans ses paroles on la sentait à des kilomètres, tout comme ça frustration et sa colère grimpante qui en faisaient trembloter légèrement ses mains.

- C’est ça, fous-toi de ma gueule.

Il y croyait à tout ce qu'il te disait, Aileen, il y croyait dur comme fer alors pourquoi ne pas lui faire confiance ? Ne brise pas ses rêves, Aileen, et laisse-le espérer. Laisse-le espérer que dans son monde, avec sa propre fierté, il réussirait à arranger tout ça. Laisse-le croire qu'avec ses méthodes à lui tout ira bientôt mieux.

- T'as pleuré ?
- Et toi ?

Non il a pas pleuré, pas pour elle il a pas eu le temps, et il voulait pas. Pleuré pour quelqu'un qu'il avait lui même laissé tombé, ce s'rait idiot pas vrai ? Alors au lieu de ça il avait préféré se concentrer sur sa chute en enfer, et il avait plutôt bien réussi son coup visiblement.

- Tu crois que je t’ai attendu Nevada ?

Il y croyait mais il ne disait rien, l'esprit ailleurs, bien trop loin pour qu'il puisse encore avoir mal à cause de ces pics qu'ils se lançaient, qu'elle lui lançait -comme si son corps tremblant dont les poings se fermaient et s'ouvraient sans cesse sous le stress anesthésiait son âme. Il ne ressentait rien de plus qu'un vide immense sous ses pieds, et dans sa tête, vide qu'il ne savait comment combler. Devait-il tout lui raconter ? Est-ce qu'elle l'écouterait ? Est-ce qu'elle le croirait ? Est-ce que c'était vraiment nécessaire.

- J-
- Regarde-moi.

S'il avait pu se barrer il l'aurait fait, s'il avait pu fondre en larme il l'aurait fait. Nevada n'était qu'un gosse sous cette apparence froid et nonchalante qu'il se donnait, un gamin fragile en plein combat contre lui-même, mais qui n'en avait pas conscience -il ne comprenait pas que dans toute cette histoire il était le seul à se torturer, et qu'il aidait les autres à le blesser. Doux masochisme qui s'écoulait dans ses veines depuis des années, ombre brutale qu'il ne parvenait à extraire de son sang.

Il l'écoutait, leurs regards se croisant inlassablement en une valse pleine de peine et de ressentiment, de colère et d'affection. Son poing brûlé par la cigarette qu'il maltraitait depuis un moment s'ouvrit pour faire chuter cette dernière tandis que lui se laissa choir au sol, comme la merde qu'il se pensait être, comme la pauvre chose pathétique qu'il était. Il avait peur, bambin effrayé par les dures paroles d'un soleil trop brûlant, mais il ne disait rien, se contentait de rester ce type lassé qu'elle avait rencontré tout à l'heure.

- Oui ça m’a fait mal, mais si je t’ai pas frappé comme tu l’espères, c’est parce que j’ai toujours pensé que tu avais une bonne raison. Ses yeux se baissèrent pour observer le béton, le masque se brisait lentement, bien sûr qu'il avait une bonne raison, c'était évident. Mais il ne voulait pas en parler, il voulait pas ressasser ce passé qui le bouffait depuis des années. C'était hors de question. [...] si tu regrettes pas tout le mal que tu as fait, tu disparais pour de bon.

Secoué par le spasme d'un rire qu'il retint de justesse, il esquissa un sourire qu'elle ne put voir, caché par les mèches qui lui tombait sur le visage. C'était ridicule, vraiment.

- C'est bon, t'as terminé ? lâcha t-il lentement, faiblement, un rictus moqueur au bord des lèvres. Tu crois vraiment que les menaces vont me faire changer d'avis, hein ? Pardon. Il releva la tête, observant d'un regard déchaîné la femme qui lui faisait face. J'regrette rien, j'regretterais jamais et c'est pas parce que tu m'fais ce chantage ridicule que ça changera quelque chose. Pardon, Aileen. J'suis désolé. J'me suis barré pour des raisons qu't'as pas à connaître, des choses qui n'ont aucun rapport avec toi alors pourquoi tu veux savoir ? Il se redressa d'un coup les bras tendus de chaque coté, hurlant presque chaque mot qu'il prononçait.

- Bordel Aileen ! Pourquoi tu veux savoir hein !? Pourquoi tu continues à m'blesser alors que j'ai suffisamment mal comme ça, pourquoi tu m'fous pas la paix ?!

Ça n'avait plus aucun sens, c'était complètement déraisonné. Mais il fallait que ça sorte, il devait se libérer, et il se sentait désolé pour elle, de lui infliger une scène aussi répugnante. Il était un peu bête, Nevada, incapable de se rendre compte qu'il ne récoltait que les graines qu'il avait semé.

- Pourquoi tu m'empêches de faire une croix sur mon passé.. J'veux juste l'oublier.. Souffla t-il, la voix brisée submergée par l'émotion soudaine qu'il ressentit.

Oublier la mort de son père, oublier Grey,
pour ne garder que le meilleur dont elle avait fait partit si longtemps.

Son corps fébrile chuta une seconde fois, il en profita pour se recroqueviller contre lui-même et enfouissant ainsi ses larmes dans le creux de ses jambes, pour ne pas qu'elle les voit. Il était brisé, Nevada, et il ne voulait plus qu'elle assiste à ça.

Mais avait-il vraiment le choix, cette fois ?