[Flashback] Marraine fée ─ Alexander Blaze

En retard. En retard. J'étais vraiment en retard. Et oui, tout simplement parce que j'aimais rendre service aux autres et que j'avais été retenu plus longtemps que je ne l'aurais pensé. Il fallait dire que je n'étais pas souvent pressé, sauf pour aller en cours, mais cette situation était différente. En effet, mon parrain avait terminé son cursus scolaire et il n'était plus à l'académie si bien que je me retrouvais seul dans cet établissement, livré à moi-même parce que je n'avais pas encore tout découvert de cet endroit. Bon, j'exagérais sûrement, il était vrai que ce dernier ne m'avait pas appris grand-chose et que notre relation n'avait pas été excellente, il fallait l'avouer. Mais quoi qu'il en soit, j'avais appris que j'allais avoir un nouveau parrain ou une nouvelle marraine et que je devais me présenter à l'heure dans le grand hall. Comme mes cours se terminaient plus tôt, je m'étais dit que j'avais tout à fait le temps de m'y rendre et que je pouvais même aller déposer mes affaires pour être plus tranquille. Le destin en avait voulu autrement puisque j'avais dû quelques camarades de classe dans leurs révisions puisque je me débrouillais très bien en sciences. Ainsi, je n'avais pas vu l'heure tourner et j'étais en train de courir en catastrophe vers le lieu de rendez-vous en priant pour arriver dans les temps. Arcko était sur mes épaules et s'accrochait tant bien que mal tandis que je tentais de ranger prestement mes affaires dans mon sac. Il fallait aussi que je me remette de l'ordre dans mes vêtements pour paraître présentable, je ne voulais pas donner de mauvaise impression dès ma rencontre avec cette personne. J'avais beau être jeune et en pleine adolescence, je tenais tout de même à garder une bonne image de moi-même.

Je finis par arriver à destination, c'est-à-dire, le grand hall d'entrée et je vis qu'il y avait bien une personne qui était présente. Je la détaillais rapidement du regard pour tenter de me faire une opinion d'elle. Elle devait être mon aînée de quelques années et portait des lunettes sûrement pour la vue puisqu'elle n'était pas en train de lire ou travailler. Dès que j'étais apparu dans son champ de vision, elle m'avait demandé si j'étais bien son filleul et elle s'était présentée par la même occasion : Leann De Laine. J'étais un peu surpris de me rendre compte que j'avais une marraine alors que je pensais avoir de nouveau un parrain qui allait me dire de profiter de ma vie d'étudiant sans penser aux études comme l'autre imbécile que j'avais eu avant. Bon, si cela se trouvait Leann était pareille, mais j'en doutais vu son comportement à mon égard, elle avait l'air travailleuse... ou alors c'étaient ses lunettes qui me donnaient cette impression... Bref, je me devais de lui répondre poliment comme elle l'avait fait. Je m'approchais d'elle tout en commençant à ouvrir la bouche, mais un détail fit que je ne pus poursuivre ma phrase. Lors de ma course, je n'avais pas remarqué que mes lacets s'étaient défaits et je venais de marcher dessus si bien que... je perdis l'équilibre et je m'étalais de tout mon long sur le sol tout en faisant tomber mon sac ouvert qui perdit un peu de son contenu, notamment les cours dont je m'étais servi pour faire réviser mes camarades avant de les abandonner pour venir.

Aïe aïe aïe... Je suis bien Alexander et je suis également ravi de te rencontrer Leann et... désolé pour ça, j'ai dû me dépêcher parce que j'ai pas vu l'heure...

Tout en ramassant mes affaires et en les rangeant convenablement dans mon sac, je gardais le regard rivé vers le sol. Je n'osais même plus croiser le sien de peur de me rendre compte qu'elle se moquait de ma maladresse. Mon visage accueillait une nouvelle fois une magnifique couleur rouge pour montrer à quel point j'étais gêné de cette entrée fracassante. Ce n'était pas vraiment ce que je voulais pour une première impression, mais j'allais devoir faire avec. Arcko, qui avait sauté lors de ma chute pour ne pas être emporté dans l'élan, était en train de remonter ma jambe avant que je le récupère pour le placer à son endroit favori : mes épaules. Comment Leann allait réagir en me voyant ainsi ? Se ferait-elle directement des idées sur moi ? D'ailleurs, de quelle classe était-elle ? Je n'avais pas d'informations sur elle et, même si je pouvais regarder la couleur de son nœud pour le savoir, je n'osais même plus lever la tête dans sa direction.

Alors que je m'étais magnifiquement bien écroulé sur le sol suite à cette chute magistrale due à un lacet défait après ma course, je gardais les yeux baissés pour éviter de croiser le regard de ma marraine afin d'éviter de me rendre compte qu'elle rigolait de cette scène risible. Je fus bien étonné de constater que l'opposé de mes pensées était en train de se produire. Leann s'était précipitée sur moi en affichant un air inquiet tout en me signalant que je devais faire plus attention et que j'aurais pu me prendre la marche et finir avec de bien plus graves blessures. Le fait qu'elle s'inquiète pour moi me réchauffait le cœur, elle me donnait l'impression d'une grande sœur qui voulait veiller sur moi tout en me laissant une marge de liberté conséquente. Cela allait me changer de l'autre imbécile que j'avais eu avant et j'étais ravi de voir qu'elle était aussi sympathique et prévenante. Par contre, elle venait de me certifier une chose : elle ne savait rien du pou voir que je possédais. En effet, grâce à ce bouclier que je pouvais former dès que je le pensais, j'étais incapable de me blesser lors d'une chute puisque ma protection absorberait le choc avant de me laisser tomber en douceur. Je l'avais déjà testé une fois et je devais avouer que c'était drôlement pratique d'avoir un tel don, même si je n'étais pas particulièrement maladroit. Un autre point que je notais dans mon esprit, c'était qu'elle s'était adressée à quelqu'un dans la pièce nommé Kei, sauf que je ne voyais personne à part nous deux. De qui s'agissait-il ?

J'allais lui poser la question lorsqu'elle sortit de ses affaires, une trousse aux allures adorables de couleur violette sur laquelle étaient brodés des motifs blancs. Je me demandais alors de quoi il s'agissait pour qu'elle le sorte à cet instant et un début de réponse commençait à naître dans mon esprit lorsque je sentis une odeur particulière qui était reconnaissable entre mille. L'eucalyptus avait cette particularité de senteur forte. Souvent utilisé dans les pommades, cela permettait de soigner le corps en profondeur d'après l'expérience que j'en avais. Après, mes connaissances sur le sujet n'étaient pas très entendues, mais n'importe quel enfant avait déjà utilisé un jour ou l'autre ce produit, c'était presque obligatoire. Leann me conseilla de le mettre sur ma cheville pour prévenir d'une foulure. Sans même le vouloir, je souris bêtement tout en la regardant dans les yeux.

Tu es si prévenante... C'est pas un mal hein ! C'est juste que... bah, mon ancien parrain n'était pas vraiment comme toi, il était plutôt du genre à vouloir m'aider pour... des sujets qui m'intéressaient pas.

Comment lui dire, qu'en réalité, cet imbécile heureux avait déclaré qu'il serait toujours présent pour moi si je voulais faire la fête et me trouver une petite amie ? Pour le cas des fêtes, ce n'était pas trop mon style, plutôt travailleur et réservé, je préférais rester dans mon coin si bien que je ne participais jamais réellement à ce genre de soirées. Et pour le sujet secondaire, je n'y avais jamais vraiment réfléchi. Après tout, je me concentrais sur mes études d'abord, puis sur les services que je pouvais rendre aux autres et enfin sur le perfectionnement de mon don afin d'en comprendre le moindre détail qui pourrait m'échapper. C'était pour cela que j'appréciais déjà beaucoup Leann, elle semblait plus me ressembler caractériellement. Tout en la remerciant, je pris son petit pot en verre avant d'aller m'asseoir pour en mettre sur ma cheville qui n'avait pas dû apprécier la chute, même si je ne le sentais pas encore. Comme je l'avais prévu, l'odeur était forte, mais je passais au-dessus de cela pour ne pas vexer ma nouvelle marraine qui commençait déjà à prendre soin de moi. Ensuite, je lui rendis le pot tout en hésitant un moment avant de me lancer.

Merci pour la crème... Dis-moi, tu... tu as prononcé le nom de Kei en te tournant vers lui je crois... mais, je ne vois personne ici. Est-ce quelqu'un qui maîtrise un don d'invisibilité partielle qui fait qui se rend invisible que d'une seule personne donc moi ?

Encore une fois, mon esprit avait pris les devants pour répondre à la question avant même d'en avoir la réponse. Leann ne semblait pas folle, du coup, il devait bien y avoir quelqu'un à ses côtés et si c'était le cas, c'était un étudiant qui utilisait son don sur moi. La première idée que j'avais eu était donc l'invisibilité partielle, mais maintenant que j'avais lancé ma question, d'autres hypothèses me venaient en tête. Comme un caméléon ou un illusionniste qui avait caché sa présence de mes sens. Quoi qu'il en soit, la jeune femme pourrait voir naître dans mes yeux une étincelle qui revenait très souvent quand je découvrais quelque chose de nouveau qui suscitait ma curiosité sans limite. J'espérais juste que je n'allais pas la gêner à lui poser cette question, je ne me rendais pas toujours compte quand je dépassais les limites lorsque j'étais curieux de savoir la réponse.

Heureusement pour moi, Leann ne semblait pas mal réagir à mes réflexions et mes questions. Je savais que certaines personnes n'aimaient pas trop les gens qui étaient curieux, mais cela ne semblait pas être le cas de ma nouvelle marraine et j'étais heureux de le constater. En plus, elle n'était absolument pas comme sa classe, j'avais noté la couleur qu'arborait son nœud qui l'assimilait à la classe A, mais je ne m'arrêtais pas à de tels préjugés. Elle faisait partie des meilleurs élèves que l'établissement puisse connaître, ce n'était pas pour autant qu'elle était forcément arrogante et insupportable comme la majorité des A. Je connaissais bien des B qui se croyaient supérieurs aux autres par leur notes. Il y avait toujours des personnes qui allaient contre le courant qui les entourait et qui restaient naturels en toute circonstance, j'espérais que Leann était ainsi et qu'elle ne jouait pas un rôle, chose que je ne lui pardonnerais sans doute jamais. Néanmoins, cette possibilité n'était même pas présente dans mon esprit, elle paraissait sincère, elle s'était vraiment inquiétée pour ma chute, elle m'avait même donné un peu de sa crème pour éviter d'avoir des problèmes par la suite.

Suite à ma réflexion sur son pouvoir, j'espérais obtenir des réponses de sa part et elles ne tardaient pas à venir. D'après elle, son don n'était pas aussi impressionnant que je le pensais. Pourtant, rien que le fait d'en avoir un, même s'il était minime était quelque chose de formidable de base. Des phénomènes que la justesse de la science ne pouvait pas expliquer, voilà ce qui était si incroyable dans les dons que nous possédions tous autant que nous étions. En réalité, comme Leann me l'expliquait, son don était plutôt similaire à un ami imaginaire. Pour la jeune femme, c'était un homme qui la suivait partout, qui avait sa volonté propre mais que personne ne pouvait détecter. Aussitôt, mon cerveau chauffait en trouvant toutes les possibilités intéressantes avec un tel pouvoir et bien évidemment, des questions venaient en cascade pour savoir jusqu'où pouvaient s'étendre ses limites. Pouvait-il traverser les murs ? S'éloigner d'elle autant qu'il le désirait ? Recevoir des informations autres que celles que Leann recevait. Autrement dit, était-il capable de suivre une personne avant de faire un rapport détaillé sur ses agissements ? Je respirais longuement pour calmer la tempête interrogative qui prenait place dans mon esprit et je me concentrais sur la dernière déclaration de ma marraine : cela la faisait passer pour une folle. Évidemment ! À parler à une personne indétectable, il était évident que les gens dans les environs devaient se demander si elle ne parlait pas toute seule. C'était le revers de la médaille. Il fallait bien un inconvénient à tout avantage. La proposition qui suivit éveilla soudainement l'intérêt de mon estomac qui se manifesta de lui-même comme pour répondre à la question à ma place. Rougissant un peu à cause de ce gargouillement que j'aurais préféré dissimuler, je finis par répondre.

Je... Je veux bien... merci. Et puis... je ne pense pas que tu sois folle, tu devrais voir tous les avantages que peut t'apporter ton don. Pour ma part, il s'agit d'un bouclier qui absorbe tous les coups non-magiques. L'avantage, c'est que je ne peux pas me blesser en tombant, l'ennui, c'est que certains me prennent pour un punching-ball... mais j'arrive à tenir longtemps donc ça va.

L'information était partie toute seule. Je n'avais pas pour habitude de me plaindre, je faisais en sorte que tout aille pour le mieux et de rester positif dans toutes les situations, même si c'était éprouvant par moments. Et puis, je n'avais pas menti non plus, je n'avais pas encore reçu de réels coups puisque je parvenais à tenir mon bouclier actif suffisamment longtemps pour me permettre de semer mes poursuivants. C'était juste mon endurance qui en prenait un coup à chaque fois. Après avoir terminé de parler, je goûtais un cookie de Leann pour éviter que mon estomac intervienne une nouvelle fois lors de la conversation.

C'est délicieux ! Tu es vraiment douée.