Productive meeting [Hadès O. Stone]

Productive meeting

La Haute Place, lui avait-on dit - un endroit isolé de tout, un endroit où il ne risquait pas plus de devoir se confronter à cette stupide socialisation que de supporter la présence d’un passé dont il n’avait pas demandé l’existence. Même sa propre personne était un rempart au lui actuel - bien qu’il n’existerait pas sans les actions de celui qui possédait cette mémoire effacée. Cependant, rien de tout cela ne tenait ses promesses, et bien que l’anglais en avait conscience à l’instant où il effectuait son ascension jusqu’à cet endroit si particulier, il refusa de s’arrêter là. Il espéra tomber sur une victime de ses précédentes actions dont il ne connaissait même pas la nature, que sa réputation ferait fuir les personnes présentes et lui octroieraient cette simple solitude qu’il demandait - mais il n’en était rien. Il fit face à cette fille d’une vingtaine de centimètres de moins que lui, les mains remplies d’une chose impossible à identifier - bien qu’elle la tende dans sa direction.

Il supposa, dans un élan de compréhension des traditions humaines, qu’elle voulait le saluer, d’autant qu’elle parlait déjà bien trop à son goût, mais il n’était ni bavard, ni adepte du contact. Elle était tout ce qu’il ne supportait pas - et cerise sur le gâteau, un enfant se mit à hurler, lui arrachant un soupir alors que ses yeux se levaient vers le ciel. C’était tout ce qu’il ne pouvait pas supporter. Il s’avança sur la place, jetant un coup d’oeil aux affaires de la jeune fille étalées un peu partout et déduit sans grande difficulté qu’elle n’avait pas l’intention de bouger d’ici. Avant un moment, du moins - et il fit l’erreur de s’asseoir dans un coin, un acte qui le dissuada de partir aussitôt d’ici, étant donné l’insurmontable effort que le fait de se relever représentait.

« Pourquoi ma tête te dirait quelque chose ? »

Il ignorait le reste des remarques. Elle parlait bien trop pour qu’il accepte d’en faire de même en répondant à toutes ses paroles d’une traite - il posa un regard fatigué sur elle, suffisamment évocateur de ses intentions. Il pencha légèrement son regard par-delà la barrière. attendant de savoir quand l’enfant cesserait d’être si bruyant - comme oppressé par tant d’activité. Il leva les yeux vers la jeune fille qu’un acte si quotidien semblait fasciner et se plongea une nouvelle fois dans l’incompréhension. Hadès n’avait pas besoin de souvenirs pour savoir qu’il détestait tout ça.

« Je ne vois vraiment pas ce qui m’aurait donné envie de connaître quelqu’un comme toi. »

Ce n'était pas dit sur un ton méchant, simplement normal, monotone. Il était honnête. Pour autant, Hadès n'était pas une bonne personne, mais rien ne l'obligeait à agir d'une façon ou d'une autre. Il voulait comprendre les choses - cette fille et la façon dont elle pouvait bien le connaître.

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La surprise lui arracha l’ombre d’un sourire que son visage transformait à peine. Peu expressif hors du regard de la jeune fille, il ne fit pas un bruit, constatant le changement qu’elle avait poliment opéré. Sans qu’il ait eu besoin de donner le moindre indice à ce sujet, elle avait corrigé ce qu’il lui avait reproché - bien que ça ait pu être une coïncidence. Jouait-elle la comédie depuis le début ?

Quelque soit la raison, il était soulagé de ne pas avoir à affronter les sauts d’humeur d’une jeune fille - il n’avait clairement pas l’énergie pour suivre. Hadès posa ses yeux sur elle pour observer son apparence atypique : des cheveux rouges et étrangement coiffés, des affaires d’art et à en juger par ce qu’il voyait, elle ne devait pas dépasser les 17 ans. Il préféra ne rien affirmer - mais bien qu’il ne se souvienne pas de ce qu’il avait fait ici, il était certain qu’il n’aurait jamais mal agit à l’égard de jeunes personnes. Bien entendu, rien ne l’obligeait à devenir un baby-sitter, mais puisqu’il avait conscience de la différence de maturité, sa tolérance en était facilitée. Aussi, la question qui put lui paraître bête prit tout son sens lorsqu’il constata qu’il portait des habits du quotidien.

Il avait aussi perdu le réflexe de mettre son uniforme - et il nota ça dans un coin de sa tête en même temps qu’il se rappelait l’incompréhension de son appartenance aux rouges. Quand on regardait Hadès, on ne pensait pas forcément à un élève, plus à une sorte de déchet sur pattes avec des cheveux voyants. Il en avait toujours été conscient, c'est d'ailleurs pour ça qu'il portait toujours son uniforme - mais aussi parce qu'à une époque, il devait porter cette cravate dorée.

« Effectivement. J’ai entendu dire que j’avais une réputation à l’école. »

Il dit ça sans sourire, sans arrogance, juste pour informer quelqu’un de quelque chose qu’il avait entendu à plusieurs reprises. Certaines personnes auraient été agacés par cette réponse, ceux qui le connaissaient plus particulièrement, mais Hadès oubliait qu’il parlait à une élève assez jeune. Il enfila ses lunettes de soleil et se releva pour se mettre dans un coin plus à l’ombre, constatant que le soleil frappait plus fort maintenant. Décidément, l'extérieur, ce n'était pas pour lui.

« Si tu me dis ce que tu sais à ce sujet, je répondrai à tes questions. Je pourrai même t’acheter quelque chose en ville, en guise de reconnaissance. »

Il porta son regard devant lui, dans l’attente d’une réponse. Demander des réponses à quelqu’un de son entourage, c’était trop facile - ils voulaient évidemment que sa mémoire revienne. Hadès voulait corser la tâche, et de toute façon, il n’avait jamais été égoïste quand il s’agissait d’argent. Sans compter, bien entendu, qu’il tenait sa parole - et cette fois ne ferait pas exception.

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L’erreur était humaine, mais quand bien même, la sienne lui faisait perdre un temps fou - et rien ne l’agaçait davantage que la sensation de tourner en rond. L’avantage, cependant, c’est que cette fille avait changé entièrement de façon d’être et cette nouvelle personnalité - ou bien la réelle, que son faux entrain dissimulait - lui plaisait bien plus que cette image joyeuse qu’elle montrait. Il n’aurait su en vérifier l’authenticité étant donné qu’il ne pouvait voir ce genre de comportements comme étant sincère - il était bien trop pessimiste sur le sujet. Avec patience, il songea à ce qu’il avait pu manquer. Il paraissait si improbable qu’elle ait simplement croisé au détour d’un couloir, et pourtant, c’est cette réponse qui s’imposait comme étant la bonne puisqu’elle ne semblait pas le connaître via sa funeste réputation - un fait qui, malgré tout, était plutôt rassurant s’il avait pour but de créer une relation - ce qui n’était absolument pas le cas. Hadès soutint son regard, une opération bien moins fatigante et difficile avec des lunettes de soleil sur le nez et décida de tourner la situation en sa faveur.
Si elle n’avait pas eu vent de qui il était, il pourrait en jouer pour rendre cette chasse aux souvenirs bien plus amusante - bien qu’il n’était pas certain de vouloir les récupérer pour l’instant.

« J’ai perdu la mémoire de tout ce que j’ai vécu ici, c’est-à-dire trois années entières. »

Il leva les yeux au moment opportun pour apercevoir un nuage recouvrir le soleil, ce qui lui permit d’ôter ses lunettes étant donné que l’ombre recouvrait la place. Il les rangea dans sa poche et planta ses yeux écarlates dans ceux de la jeune fille.
De cette façon, elle pouvait juger de sa sincérité - Hadès n’avait rien contre le contact visuel, pour autant qu’il restait visuel. « On touche avec les yeux » disaient souvent les mères, et de toutes les expressions stupides qu’il connaissait, c’était sans doute la préférée du britannique.

« Je pourrai attendre le retour de nos pouvoirs et demander à quelqu’un d’arranger ça mais ce ne serait pas amusant. Je préfère mener mes propres recherches, ça me permet de passer le temps en plus de ça. »

Il n’avait aucune idée du pourquoi il racontait ça à cette gamine, mais quelque part, la possibilité de faire tourner quelqu’un en bourrique l’amusait. Il avait l’impression de retrouver des anciennes sensations, peut-être les vestiges d’une activité qu’il avait l’habitude de pratiquer - et la possibilité qu’il soit devenu un colossal connard n’était pas à exclure. De toute façon, ce n’était pas surprenant, il aurait été prêt à tout pour se tirer de l’ennui - son amnésie était même peut-être une manœuvre calculée qu'il avait mise en œuvre pour s’occuper.

« Enfin, tu dis sûrement la vérité puisque tu n’as pas encore fuit. »

La dernière phrase était purement provocatrice, accompagnée d’un léger sourire - il espérait stimuler son esprit de défi et sa curiosité. Trouver les fondements de sa propre réputation, ce n’était pas évident - qui prendrait le risque de le renseigner sur qui il avait été si son ancienne entité était dangereuse ? Un peu d’aide serait le bienvenue, et une inconnue était parfaite pour ça - il ne prendrait pas le risque de subir la subjectivité de son entourage.