[FINI] SORRY NOT SORRY ft. Killiam

Il y a ce moment de silence, comme pour se rattraper de toutes les paroles que tu avais dites, comme si tu avais trop parlé, et qu'il fallait que tu te rattrapes, qu'il se rattrape, tellement c'était inhabituel, tellement ce n'était pas comme ça que ça devait fonctionner. Et les secondes passent, lentement, avant qu'il ne se tourne vers toi, et tu restes là, sans bouger, ta joue toujours calée dans ta paume, ton coude appuyé sur l'oreiller. Et enfin, enfin il ouvre la bouche, pour te dire que tu as raison et tu ne sais pas de quoi il parle. Tu vas pour le lui demander, mais tu te retiens de justesse, persuadé qu'il va te répondre avant même que tu ne poses ta question. Et c'est ce qu'il fait. Et il t'explique, le mieux qu'il peut, malgré l'alcool et ses idées pas très claires. Et tu comprends. Il parle et tu comprends, comme il a compris quand tu as ouvert la bouche. Chose difficile pour l'un et pour l'autre, tu n'étais pas doué avec les mots, et il suffisait d'un rien pour qu'Ezéchiel prenne quelque chose de travers.

Il dit on, et tu sais que c'est de vous deux dont il parle, mais tu ne relèves pas. Tu retiens, mais tu ne relèves pas. Tu l'emmèneras quelque part, demain, ou n'importe quand. Ce n'est pas important. Mais tu le sortiras, tu lui feras faire n'importe quoi pour lui occuper l'esprit, pour qu'il vive, tout simplement. Et il continue, continue continue, et tu l'écoutes avec toute l'attention du monde. Il sait que tu l'aimes, et ça te soulage, vraiment. Puis il te dit que lui aussi, il t'aime, et qu'il veut pas que tu en doutes.

— T'as le droit de t'inquiéter, je vais pas t'empêcher de t'inquiéter. Laisse moi juste m'inquiéter pour toi. On est deux là-dedans.

Un léger silence, moins froid, moins distant, plus intime, plus complice, plus tendre, avant qu'il ne reprenne :

— J'suis une nana trop sensible.
— J'serais pas avec toi si t'étais une nana, lâches-tu en riant.

Vrai. Tu l'aurais sûrement encore plus évité comme la peste au début de votre relation. Mais là n'est pas la question. Son visage, soudain trop sérieux efface ton sourire. Tu apprécies la caresse sur ta joue à sa juste valeur et tu hoches doucement la tête à ses paroles. Tu l'as toujours fais, prendre soin de Théa. Tu as toujours pris soin d'elle comme jamais tu n'as pris soin de personne. Théa a toujours été la personne la plus importante pour toi, même malgré vos disputes, même malgré son passage en S sans aucune raison, même malgré ses cachotteries, ses mensonges, Théa est la personne pour qui tu donnerais ta vie sans aucune hésitation.

Tu restes silencieux un moment, et il se tait aussi. Tu te contentes de le regarder, de le détailler dans la pénombre, la chambre éclairée seulement de la lampe de chevet depuis le début de votre conversation. Tu t'abaisses doucement vers lui pour venir l'embrasser, et c'est le premier baiser de la soirée, le premier baiser que tu lui donnes depuis que tu es parti voir Hayden, et c'est un soulagement, même si ses lèvres ont le goût de l'alcool. Tu te recules à peine, vos lèvres se touchant presque et tu lui murmures doucement :

— Pour le moment, j'ai surtout envie de prendre soin de toi.

Juste de lui, d'être là quand il le souhaite, être à sa disposition, prendre soin de lui, lui faire des câlins, lui donner des baisers, lui faire l'amour, l'embrasser, lui répéter que tu l'aimes, lui faire à manger, lui faire des papouilles, le serrer dans tes bras, le réchauffer.

Et tu l'embrasses encore, doucement, tendrement. Comme pour lui dire je suis là, comme pour lui dire je t'abandonne pas, comme pour lui dire je t'aime, reste avec moi.