Bureau. Assis, le torse nu, ne portant qu’un pantalon d’intérieur noir, le jeune homme est accoudé à son bureau. D’une main il soutient son front, le bout des doigts cotoyant ses mèches de jais, tandis que la seconde main griffonne. Frénétique, elle écrit, écrit d’elle-même. Son cerveau fait bouger ses muscles, aucun obstacle ne vient perturber le cours de ses pensées qui se couchent sur papier.
Sous sa main qui, par frottements, étale le charbon déja posé sur la feuille, un dessin prend tout l’espace de la feuille. On y discerne un visage, ou plutôt deux. Ni morts, ni vivants. De chair et d’os. Des mains les entourent, s’y pressent, l’enferment. Et il y a ces traits, de crayon, de gomme, représentant une aura, quelque chose autour. Explosion, implosion, difficile à dire. Et, sur ce dessin même, venant troubler la représentation en posant des mots en plein milieu, il griffonne. L’écriture de Drew est difficile à lire. Petite, allongée, les lettres s’y forment à peine, se discernent difficilement. On y devine des lignes, mais il faut s’y attarder un moment pour en comprendre le sens.
Mais, au milieu de ces mots, certains sont écrits en majuscules, griffonnés avec plus de force, et on devine que le crayon s’y est appliqué plusieurs fois, avec insistance.
escape what's inside me a monster it keeps getting stronger do i have to run and hide
La mine s’est arrêtée de bouger, depuis une longue minute. Le jeune homme la fixe, mais son regard est loin, très loin. De profondes cernes cascadent sous ses yeux, ses yeux qui se ferment, doucement. Tout doucement.
Son coude quitte la table tandis que c’est tout son bras, plié, qui s’y pose. Sa tête vient alors se poser dans le creux formé, là où l’air manque, là où la lumière du bureau se glisse à peine. Et il perd conscience ainsi, mine sur le papier, s’endormant, épuisé.
Sous le charbon, des derniers mots griffonnés dans la fatigue, jusqu’à arrêt total de toute activité physique et cérébrale.
Voices inside of my head
Quiconque connaît bien Drew sait qu’il dessine et écrit. Mais personne, absolument personne n’a jamais eu accès à ses carnets. Quand on lui demande ce qu’il y pose, il répond tout. Toutes ses pensées, toàut son être; tout ce qu’il est est écrit, dessiné, peint sur des dizaines et des dizaines de carnets. Cachés. Et il s’est bien assuré, toute sa vie, que personne n’en voit un seul trait.
Et à cet instant, il fait nuit. Il est trois heures du matin. Ulysse et Morgan ne sont pas là, ce soir. Il n’y a que lui, et Sarah. Elle est juste là, de l’autre côté de ce mur. Le crayon tombe, mais ça ne réveille pas le jeune homme, tombé de fatigue. Dehors, le pluie tombe bruyamment sur le bungalow, tandis que régulièrement, le tonnerre gronde. Comme lui, nombre d’étudiants ont dû avoir du mal à s’endormir dans ce vacarme de nuit.
Et pourtant, il a enfin trouvé le sommeil. Il lui a fallu s’occuper, se concentrer, réaliser ce dessin pour épuiser son corps et son esprit. Comme souvent. Comme trop souvent. Car l’orage n’est ce soir qu’un prétexte; il arrive bien souvent que Drew ne trouve pas le sommeil, et s’épuise ainsi, exposant son âme à travers ses croquis. Mais, habituellement, il se sent partir - il prend alors soin de les ranger. De les cacher.
SLEEPING ALL MY DREAMS AWAY COLD AND BARELY BREATHING NOW I CAN FEEL YOUR PULSE KICK STARTING THIS LIFELESS SOUL YOU WOKE ME UP WOKE ME UP LIKE A LIGHTNING BALL TO HEART THIS IS OUR TIME DON'T YOU WASTE IT
Il est mort. Ce n’est que du bruit Sarah. Ce n’est que dans ta tête. Il est mort. C’est faux Sarah. C’est un mensonge. Une erreur. Juste ton don qui déraille, tout comme ton esprit qui délire. Juste un cauchemar, tout éveillé, comme tu en fais si souvent depuis que tu ne dors plus.
Eclair. Mon cœur saute dans ma cage thoracique, alors que mes mains se crispent sur la couverture. Il fait noir, plus noir que l’encre, dans cette chambre détruite où plus aucune lumière ne filtre – la fenêtre ayant été fermée et les ampoules brisées. Et le temps passe. Lentement. Trop lentement. Il est mort. J’ouvre la bouche pour inspirer – et je m’étouffe. Noyée par ces ténèbres qui s’infiltrent dans mes poumons, je lutte. Il est mort.
Et finalement, je me lève, vaincue par l’insomnie, par la cacophonie dans mon crâne - écrasée par l’obscurité. Mes pieds nus glissent entre les bouts de cartons déchirés qui tapissent le sol, alors que je serre la couverture sur mes épaules nues, sur le haut de mon débardeur qui en révèle un peu trop. J’avance, un peu aveugle, j’avance, à pas de loup.
Il est mort. Je passe devant la porte fermée de la chambre de Drew, que j’évite soigneusement de regarder. Il est mort. J’avale ma salive avec difficulté. Je déteste mon don, je déteste entendre les secrets, je déteste être en D et être incapable de le maîtriser, je déteste ces voix, je déteste ces mensonges, je le déteste - je déteste être moi.
J’arrive dans la cuisine, et allume la lumière, avant d’aller chercher un verre d’eau et un cachet d’aspirine. Frétillement effervescent. Ma main tremble, nerveuse, alors que j’attends que ce foutu cachet fonde – je porte le verre à ma bouche quand ….
Eclair. Je sursaute – la lumière s’éteint, et le verre se brise sur le sol dans un bruit cristallin. Ok. Ok. Ne t’énerve pas. Ok. Il est mort. Je cherche accroupie les morceaux de verre – et un vient couper ma main, laissant mourir dans ma gorge un grognement plaintif.
Je vais avoir besoin de lumière, je crois. Ma main saigne. Quelqu’un a une lampe torche ? Mon sang est froid. Il est mort. « Tais toi. » Cri étouffé, brûlant, rageux. Mes poings se serrent alors que la seule solution s’impose à mon esprit, et ma couverture glisse sur le sol. Tu viens juste lui demander une lampe-torche Sarah. Tu sais qu’il en a une. Du moins, avait une, à l’époque. Boum. La palpitant s’agite dans ma poitrine alors que je pousse lentement la porte de sa chambre – ainsi vêtue. Ainsi laide.
Je me prépare à parler, je me prépare à mettre mon armure, et à cracher ma simple demande comme je le fait toujours – j’ouvre la bouche, et reste suspendue.
Eclairé par la lueur de la lune se trouve le démon assoupi. Les muscles de son dos nu sont encore tendus par son combat avec le sommeil – mais il est paisible. Si paisible. Mes pas m’ont déjà mené vers lui, vers le bureau – vestiges d’une civilisation antique. Il fait sombre, mais il y a assez de lumière pour que mes yeux puissent capter les croquis abandonnés. J’inspire avec douceur. Depuis combien de temps n’avais-je pas vu les dessins de Drew ? Même à cette époque, il ne laissait quiconque les regarder, et je devais user de tous mes moyens pour avoir la chance d’en apercevoir le tracé.
La curiosité est un si vilain défaut.
Plissés, mes yeux scrutent. Cherchent. Et je trouve la douleur, la mort, la peine, la folie étalées ; laissant leur marque sombre sur ce papier d’un blanc pur. Les écritures appuient, soutiennent – et mon sang fait la roue dans mes veines, comme un appel primitif. Instinctif.
escape what's inside me a monster
Le monstre au fond de Drew, le Drew au fond du monstre. L’être que j’ai crée, l’être que le Prince a élevé. Je reste un instant à fixer aveuglement les mots, les laissant s’imprimer dans ma tête. Puis, mon regard change – et je me retrouve à faire la navette entre la table et le visage du monstre.
Pourquoi, pourquoi faut-il qu’il soit ainsi ? Ange assoupi entre mes bras, ma main glissant dans ses cheveux. Pourquoi fallait-il qu’il vienne mettre à mal les chaînes enroulées autour de mes souvenirs ? Faisant semblant de dormir pour se rapprocher un peu plus à la chaleur de mes doigts. Pourquoi. Ils sont là, mes doigts. Ecartant les mèches noires de son visage – avec précaution, avec peur. Ils tremblent mes doigts – ils brûlent.
Je m’écarte brusquement, posant une main sur la table pour éviter de perdre mon équilibre – sentant mes doigts coller au papier. Le sang. Ma main. Oubliée. Et voilà qu’une jolie trace vermeille ajoutant couleur à son tableau de mort s’imprime sur la feuille, et je l’enlève rapidement, venant la passer derrière mon dos, lâchant un chuchotement secoué.
Rien. Juste le sommeil, apaisant. Juste la fatigue, faisant s’écrouler son corps sur le bureau, de tout son poids. Abandon. Repos. Le soldat a lâché les armes, le Démon a éteint les flammes. Et le géant s’est assoupi, faible, proie facile. Et il n’y a bien que dans son sommeil que Drew s’expose ainsi.
Et soudain, le rien devient tout.
Le sursaut, la respiration, la vue, le noir, les feuilles, le dessin, le sang, sa peau blafarde, sa maigreur, son visage, ses mots. Le coeur du jeune homme bât la chamade, réveillé dans un sursaut violent, le souffle haletant, aggripé d’une part à sa chaise et d’autre part au bois du bureau. Il lui faut quelques secondes à fixer Sarah pour replacer les choses dans le contexte. Et, surtout, pour assimiler la réalité. Il ne rêve pas. Pas cette fois. Tout est trop réel.
Un souffle redonnant battement régulier à son coeur, une pointe d’accusation dans le regard avant de baisser la tête, la secouant doucement, se frottant les yeux de sa large main, claquant un soupir nerveux. Encore quelques secondes. Non pas pour assimiler la réalité, mais pour l’accepter. Pour accepter qu’elle est là, dans sa piaule, en pleine nuit, en très petite tenue. Et non, ça ne lui a pas échappé. Son regard glisse sur son dessin, y voit une trace rougeâtre. De toute évidence, elle l’a vue. Son premier reflex a été de le cacher, mais c’est inutile. Trop tard. Et puis, cacher ce dessin, ce message, cet... appel à l’aide, ce serait lui donner de l’importance. Et c’est bien parce-qu’il a beaucoup d’importance aux yeux de Drew qu’il veut qu’il n’en ait aucune aux yeux des autres. Alors il s’appuie sur son bureau et se lève simplement, ignorant le dessin. Parce-qu’il n’a aucune importance. La situation se précise alors, dans son cerveau émergeant petit à petit d’un sommeil qui était profond. La lumière du bureau était allumée, toute à l’heure. Il appuie sur l’interrupteur plusieurs fois, sans effet. Les plombs ont sauté. Next. Sarah. Il vrille sur elle son regard, et il doit se forcer à le garder rivé sur son visage. Quelques secondes, pas plus. Il comprend vite la raison de sa venue; la sorcière ne vient pas chez le loup-garou pour une simple visite de courtoisie. Alors il la contourne, sans un mot, se dirigeant vers l’étagère où s’amassent diverses choses; de tout, de rien. Le genre d’effets personnels qu’on a chez soi mais qu’on ne touche jamais. Et il fouille, plissant inutilement les yeux. Il soupire, râle, passe à l’étage d’en dessous. Pousse, soulève, fait tomber. Il n’y voit strictement rien, doit plus se fier au toucher qu’à la vue. Maugréant, il revient à son bureau, saisi son briquet et repart, espérant avoir plus de succès dans ses recherches à l’aide de la faible lueur de la flamme.
Et c’est le cas. Il voit la ficelle, tire, extrait du bazar sa lampe torche. Sa vieille lampe, sur laquelle Sarah avait écrit des choses au blanco. Elles y sont encore - comme quoi on trouve toujours. On a beau tout brûler, il reste toujours l’odeur âcre des cendres. Et, naturellement, il l’allume, et c’est sans effet. « ... Are u serious. » Il la tape dans la paume de sa main, sans effet; vérifie les piles - et tout s’explique. Profond soupir. Drew n’est pas patient. Pas pour ce genre de choses. Serrant la mâchoire, il jette la lampe torche sur son lit et rejoint la porte sans un regard pour son invitée, s’appuyant contre le bois, un pied venant se percher sur l’autre. Et le regard sur le plafond, la mine dure, lâche froidement. « T’a plus qu’à aller dormir. » Le tonnerre claque.
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Sujet: Re: Monster. Sam 22 Mar 2014 - 2:08
HOW LONG CAN I LIVE THIS WAY IS THERE SOMEONE I CAN PAY TO LET ME GO ? 'CAUSE I'M HALF SICK OF SHADOWS I WANT TO SEE THE SKY EVERYONE ELSE CAN WATCH AS THE SUN GOES DOWN SO WHY CAN'T I ?
Flash. Mordants soufflants amers cruels et si doux– mes souvenirs continuent de créer la tempête dans ma tête. Je cille un instant, mes poings se serrent, alors que mes yeux valsent sur son visage soudain éveillé.
Sursaut agité. Je contemple sa sortie de sa rêverie, silencieuse. La gorge serrée par un doute, par un espoir bien trop dangereux. Avec quels yeux me regardera-t-il ? Ceux de l’ange de mes souvenirs, ceux du démon de mon présent ? Le quel s’est éveillé, lequel ira serrer à mains nues mon âme ? Ne te fais pas d’illusion Sarah. Lequel qu’il soit, il ne sera plus jamais celui que tu as tué de tes jolies mains. Il a beau faire orage, il a beau faire sombre, le sang a beau couler et le vent me faire frissonner – le revenants ne reviendront pas. Ils ne reviennent jamais.
Je remarque sa main cacher son œuvre de douleur, et j’hausse un sourcil. J’ouvre la bouche. « Ton dessin … » La referme. A quoi bon lui demander, à quoi bon en parler ? Son dessin était une prière, un appel – un cri désespéré. Cherchant secours. Et, soyons honnêtes, je devais être la dernière dans la liste de ceux pouvant faire briller de nouveau le cœur de Drew. Toujours si prompte à le serrer jusqu’à ce qu’il explose entre mes doigts.
Il comprend vite la situation, l’analysant d’un simple regard, cherchant, - retournant ces vieux tiroirs remplis de réminiscences oubliées. La flamme de son briquet danse sous la lune, m’hypnotisant, tout comme son dos nu qui se tend sous l’effet de la frustration. Non vraiment, il fallait vraiment que je tombe sur lui torse nu alors que je suis moi-même à moitié dénudée ? – les gens vont parler. Et bizarrement, je m’en fous. Et bizarrement, je me sens calme – si calme depuis des années. Endormie. Comme déambulant au milieu d’un rêve qui serait bien trop sensé pour une fille comme moi. Je suis paumée. Perdue dans la houle de mes sentiments si contradictoires, qui cohabitent en moi depuis maintenant bien trop longtemps.
Je le vois à peine se diriger vers la porte pour m’inviter à sortir, et j’avance. Tout droit vers lui, tout droit vers cette sortie. Oui, il faut que je sorte. Il faut que je me barre d’ici, que j’en reste à ça – que je murmure un ‘bonne nuit’ avant de retourner dans l’obscurité.
Dans les ombres – mes ombres dont je suis devenue malade. Mon ventre se soulève alors que mes pas se stoppent juste dans l’encadrement de la porte. Sa présence tout près de mon épaule, et mon regard perdu, loin, devant. Johanna me l’avait dit. Johanna m’avait demandé ce que je comptais faire de ma relation avec Drew. Si je comptais avancer ou rester immobile sur cette corde raide en plein ouragan. Et doucement, je replonge, et je réfléchis. A ces années passées – à ma vie depuis que je l’ai rencontré. Et ça me donne le vertige, et ça me secoue – et ça me fait réaliser. Le temps qui passe. Et le fait que Drew soit ici pour sa dernière année.
Est-ce qu’on se laissera comme ça, brulants de haine et de rancœur – torturés, marqués à vifs ? Est-ce que c’est obligé ?
« Je ne sais vraiment plus quoi faire. » - je chuchote à mon cœur serré, mes pupilles aveugles cherchant un point d’ancrage dans le noir du couloir. Plus quoi faire avec toi, pour toi et pour moi. Pour moi et mon sommeil qui a perdu son gardien, pour moi et pour cette plaie béante qui continue de couler, pour moi et pour tout le mal que je cause aux autres sans jamais le faire exprès.
Je fais naufrage.
Discuter n’a jamais servi, se battre n’a jamais servi, j’ai tout essayé, tout fait, tout détruit, saigné, enfoui, laissé couler en belles larmes – alors quoi ? Qu’est ce que je pourrais faire pour ne faire ne serait-ce qu’un pas en avant ? J’aimerai comprendre, je veux comprendre. Un énième éclair éclate, me tirant de mes pensées, et je tressaille brusquement – mon cœur bondissant dans ma poitrine. Ma tête se tourne sur le coté, se confrontant à son torse, et je cligne des yeux un instant – me mordant l’intérieur de la joue avec force – avant de plonger dans ses pupilles. Plus dure, plus forte, mais encore si fragile. Usée, les genoux au bord de venir toucher le sol. Point de rupture.
« Je sais plus quoi faire de nous, Drew. » Pas que j’ai su vraiment quoi faire, à vrai dire. Mais cette nuit – belle nuit d’orage et d’éclairs, de sentiments mêlés et de flammes allumées, j’avais atteins ma limite. Que ce soit ces lourds nuages qui s'amoncellent ou mon cœur, quelque chose devait éclater ce soir.
Elle ne sort pas. Elle reste là, immobile, et lui, plutôt que de s’en impatienter, a posé les yeux au sol. Il sait pourquoi elle reste. Et il sait ce qu’elle a dans la tête alors qu’elle fixe le couloir.
Repartir ? Repartir dans cette comédie ? Elle souffle, il cille. Quoi faire d’eux. Telle est La question. Car ce eux, il existe, il est là. Il sera toujours là. Tant qu’ils seront proches géographiquement, le problème se posera. ... Et quand bien même il s’éloignait, l’an prochain, en seraient-ils libérés ? Pourra t-il retourner vivre en Ecosse, tenter de créer une vie sur le tas de cendre de sa jeunesse ? Sera t-il seulement capable de quitter l’île, de quitter l’école, de les quitter ? « Je sais plus quoi faire de nous, Drew. » Ce nous, il est un poids, un poids qu’ils se traînent jour après jour. Ils ont tenté de le porter dans tout les sens, ce poids. Entre les mains, dans le dos, sur l’épaule; ils ne font que s’enfoncer, s’épuiser. Mais la chaîne est bien là, attachée à leurs chevilles, ils ne peuvent s’en débarrasser.
Ils ne le peuvent, car même quand elle glisse, se détache, ils en resserrent l’étreinte. Parce-que ce poids est tout ce qui leur reste.
Il ferme la porte devant elle, ne disant mot. Et sans la regarder, doucement, la contourne.
La chambre est à lui. Si elle ne sort pas, il va bien falloir qu’elle s’assied quelque part. Il vient alors se laisser tomber sur le fauteuil. Parce-que d’autres dessins sont là, traînant sur le bureau, et qu’il ne tient pas à ce qu’elle ait l’oeil dessus.
Reste alors à Sarah de s’installer sur le lit. Mais le fera t-elle ? Ira t-elle effleurer, toucher, se poser sur la pièce la plus intime de l’autre ? Rien n’est plus personnel qu’un lit, en y allant, elle ira côtoyer son odeur, son toucher. Mettra t-elle le pied dans la tanière du loup ? Probablement pas. A vrai dire, il l’imagine bien plus facilement rester plantée debout, les bras croisés, perdue. A moins qu’elle ne s’assied parterre - ce sera probablement bien moins gênant pour elle que d’aller dans sn lit, à lui. Ce lit défait, témoignant d’un essai de trouver le sommeil en début de soirée.
Il ne l’invite pas à s’installer. Tout comme il n’a rien répondu plus tôt. Il y a des choses qu’ils n’ont plus besoin de se dire. Toutes les politesses, toutes les niaiseries. Mais il y a bien d’autres choses qu’ils ont besoin de se dire. Et ils ne le font pas.
Il ne lui dis pas, là, alors qu’il a récupéré son crayon pour en tapoter la mine sur le papier en le fixant; il ne lui dit pas ce qui le tue. Il ne lui dit pas que l’image d’Anshu et elle le tue. Cette image le crève, seconde après seconde. Là, à cet instant précis, il y pense. Mais trop bon acteur, impassible, forteresse; rien ne transparaît. Il est pourtant humain. Comme tout les humains, sa gorge est en ce moment même un véritable nœud. Ses yeux, quand à eux, sont chauds, bientôt humides. Mais ténèbres parmi les ténèbres, ses yeux n’expriment plus rien depuis longtemps. La fine silhouette de Sarah bouge sous le clair de lune. Il ne la regarde pas. Il fixe la pointe de la mine, déposant son sang cendré sur le papier, le trouant parfois. La chaise est tournée face à Sarah, mais son visage a lui est de profil, fixant inlassablement le charbon qu’il distingue à peine dans la nuit.
« Il y a quelque chose qu’on a pas essayé. » Rien dans son attitude ne change, mais deux secondes s’écoulent. « La paix. Une vraie paix, pas celle du Café. » Ce jour là, des aveux avaient été faits. Les larmes de Sarah avaient coulé, et le cœur de Drew s’était embrasé. Et puis, la violence était revenue, drapée de son voile de séduction, malsaine. Toujours. Ils y reviennent toujours.
Comment sortir de là, Sarah ? Comment nous libérer ?
« Je sais pas si on en est capables. »
C’est simplement soufflé, observé. Fatalité; comme si c’était voué à l’échec à la seconde ou l’idée était proposée. Une trêve impossible ?
« Une nuit de trêve. Et, dès demain, on se fera de nouveau la Mort. »
Fatalité.
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Sujet: Re: Monster. Dim 23 Mar 2014 - 0:43
I CAN FEEL YOU ALL AROUND ME THICKENING THE HAIR I'M BREATHING HOLDING ONTO WHAT I FEELING SAVORING THIS HEART THAT'S BLEEDING
Et je sais qu’il sait.
Je sais qu’il connait mes pensées, qu’il sait lire l’écriture grisâtre de mes yeux – on ne s’était jamais compris aussi bien qu’après s’être entre déchirés. Deux êtres au départ si différents, brulant dans une passion commune, et renaissant des cendres identiques. Un nous – trop lié pour être séparé. Semblables dans leur appétit vorace de sentiments et de douleur. Similaires dans leur pensée. Mais incapables de l’admettre, inaptes à accepter le plus évident.
La porte se ferme devant moi, et sa présence quitte mes cotés. Tout parait si peu réel, si loin de cette réalité - notre réalité faite de coups bas et de larmes. J’en viendrai presque à douter. Peut être que nous sommes morts, et que cette chambre close est pour nous un notre éternel purgatoire. Peut être que nos deux âmes endormies se sont retrouvées au sein d’un même rêve.
Ou est-ce seulement moi qui refuse de comprendre que je me suis jetée de moi-même dans cette situation qui m’échappe – finalement, peu m’importe. Je me retourne lentement pour le voir assis de nouveau à sa table, griffonnant dans ce silence pesant. Pas un mot, pas un geste. Il accepte que je reste là cette nuit, que je partage mes ombres avec cet assourdissant mutisme. Bien conscient de ma peur du noir, et de mon attirance morbide pour les ténèbres. Il sait que je n’ai jamais réussi à m’endormir paisiblement – et que seuls ses bras autour de ma taille avaient réussi à calmer mes crises d’insomnie.
Souvenirs assaillant, parasites – sortant de leur tombe en cette étrange nuit de songes.
Je balaye la pièce du regard, cherchant un endroit où m’installer dans cette chambre trop pleine de symboles. Tout ici m’étrangle. De son odeur à celle de son tabac froid, en passant par cette sensation piquante que j’ai au bout des doigts lorsque mes pupilles rencontrent sa peau nue. Mes pas résonnent avec un bruit mat sur le parquet – et je me laisse glisser contre le mur de la chambre, à coté de sa table de chevet. Recroquevillant mes genoux contre ma poitrine, à l’autre bout de la pièce, au plus loin de lui, pour fuir sa présence dont j’ai cruellement besoin. Paradoxale.
J’attends pendant ces longues minutes de silence, troublés par le crissement du crayon sur sa feuille. Nerveux, mécanique, régulier – comme la machine sans âme qu’il est devenu, il déchire. Fuyant mon regard qui ne quitte pas son visage.
« Il y a quelque chose qu’on a pas essayé. La paix. Une vraie paix, pas celle du Café. »
Et je manque de rire, je manque de retrouver ces sons sauvages et amers qui coulent si souvent de mes lèvres –sarcasme, pitié, désillusion. Mais tout tombe au fond de mon ventre, écrasé par la léthargie. La paix. La paix ? Comment peut-il dire que l’on a jamais essayé – il n’a jamais essayé. Moi, c’est ce que je m’étais efforcée de faire durant ces maintes années, à m’en pourrir le cœur. Faire la paix, tout arranger – par culpabilité. Il mentionne l’épisode du café, et mes ongles viennent se planter dans la chair de mes genoux. C’est impossible Drew, nous n’y arriverons jamais. Nos deux seuls souffles se font violence. « Une nuit de trêve. Et, dès demain, on se fera de nouveau la Mort. »
Je souris devant cette lucidité si défaitiste. Lui-même ne sait que ça ne marchera pas. Le seul moyen pour nous d’instaurer une paix serait de rester silencieux, de ne prononcer aucun mot. Mais c’est bien impossible, car ce silence est ce que nous redoutons le plus – ce qui nous tord les tripes d’effroi.
Le silence, c’est le vide, l’absence, le manque, la Mort. Je laisse mes jambes se tendre, épouser le parquet froid – allant chercher un instant des réponses dans la blancheur immaculée du plafond neuf.
« On y arrivera pas Drew, pas comme ça. » Je murmure tout simplement, laissant ma voix flotter un moment, douce et mélancolique. On n’y arrivera pas. Parce que là, tout de suite, je ne trouve pas une seule phrase pour créer cette paix – et ceci malgré ma faiblesse et ma volonté de nous sauver. Parce que je n’en trouverai jamais. Parce que les mots pour le sauver, je les ai dit. Au McLaren, au café – avant, après sa mort. Toujours rejetée, toujours enfoncée de plus en plus profondément dans cette masse de responsabilité. Dans cette impression de porter tout le malheur des autres sur mes épaules.
C’était moi qui avais l’habitude de toujours faire de mon mieux pour tout arranger. De sourire pour montrer que tout allait bien. C’était moi.
« Il n’y a qu’un seul moyen de tout arrêter. » Et tu le connais, et tu l’ignores pertinemment. Je me relève, et traine jusqu’à lui mes jambes rendues fantomatiques par la Lune. Je m’arrête juste devant lui, lui et son visage tourné, fermé au mien. Regarde-moi Drew. Regarde moi je t’en supplie.
« Libère toi. » De moi, des souvenirs, de cette haine, de cette douleur que tu gardes – de tous ces sentiments.Une fois de plus, je te le demande. J’enlèverai même la corde que je t’avais passée autour du cou de mes mains, de mon sang.
« Tu peux même me tuer s’il le faut. » Définitivement, rapidement, brutalement. Et non pas avec cette folie qui nous ronge un peu plus chaque jour et qui nous amènera finalement au même point. Je mourrai de toute façon, non ? – et quand ce moment viendra, je voudrai être moi. Sarah Edwige Blackmore – et non pas son double bouffée par la démence. Alors vas-y, j’ai choisi ma façon de partir – vas-y. Je sais que tu en crèves d’envie. C’est étrange comment penser à ma mort me fait sourire ainsi. Lèvres étirées par une joie morbide, par une affection mystérieuse. Mon visage se penche un peu plus vers lui, et je respire lentement cet air qui lui appartient - trop épais, trop présent autour de moi.
« Tue-moi, Drew. » Sauve-toi de moi, sauve-moi de moi-même. Abrège tout ça – je suis fatiguée d’être fatiguée.
Et si c’est de ta main, je serais prête à mourir plus de cent fois.
Ses yeux glissent, de cette lenteur infinie. La mine. La feuille. Sa main. Ses cuisses. Son tee-shirt, sa poitrine, son cou. Plus son regard progresse, plus son coeur se serre. Ses lèvres. Un frisson, violent. Ses joues, son nez.
Et ses yeux.
Démon à ses pieds, démon enchaîné; il a les yeux levé sur elle, bas, tout en bas, au fond du gouffre. Au fond du gouffre, il a toujours le visage levé vers elle. A jamais. « J’aimerai, Sarah. » Un souffle. Une confidence. Et son regard se trouble, se perd, et tombe tout aussi lentement. « J’aimerai te tuer. »
Le silence glisse dans l’obscurité, tel un serpent rampant autour d’eux, discret, invisible, sournois. Une menace qui les entoure, qui guette, qui n’attend que le moment de pouvoir frapper. Un coup de crocs, répandre son poison. Les faire tomber. Ensemble.
Car ensemble, ils le seront, et à jamais.
Il se lève doucement. Se développant comme le colosse aux pieds d’argile qu’il est, il gagne en hauteur, la dépasse, la surpasse. Leurs corps n’ont jamais été si proches depuis sa mort. Et il a beau être ce géant de fer, ce géant invincible, son regard se perd elle. Ses bras. Ses épaules. Le tissu de son tee-shirt. Il semble chercher. Chercher quelque chose, sans savoir quoi.
Que cherches-tu, Drew ?
Elle a au moins la satisfaction de savoir ce après quoi elle court. Elle court après son pardon. Après son souvenir. Elle court après l’homme qu’elle a tué, et qui lui, n’a pas ressuscité. Elle court après la mémoire, après le temps. Mais c’est trop tard, Sarah. Il est mort.
La main du jeune homme se lève alors, tout aussi lente que le serpent, sournois, fait de tout leurs sentiments, qui tourne autour d’eux, s’enroule autour de leurs corps, de leurs âmes. Il a la sensation de le voir. Est-ce réel ? Est-ce encore cette chose qui s’empare de son esprit ? Sa main se lève, et le bout de ses doigts effleure la peau de son bras. Il n’en sent que le fin duvet invisible, le courant électrique qui la parcoure. Ses yeux se sont posés quelque part près de sa clavicule, sur son tee-shirt. Ancrés. Ancrés pour ne pas sombrer. Les voix dans sa tête se sont apaisées. Il a la sensation d’être lui-même, à cet instant.
Mais qui est-il ?
Ses yeux glissent alors dans les siens, tandis que sa main continue sa progression. Elle surplombe son tee-shirt, en effleure les fibres, planant tout doucement au dessus de son épaule. Et il la fixe. Qui est-il ? Ce soir, la nuit éclaire sa peau, la rend blafarde. Et la main masculine poursuit, venant se glisser doucement, tout doucement, dans sa nuque. Elle s’y dépose dans la caresse la plus infime.
Ses doigts tremblent.
Et ses yeux n’ont pas quitté les siens. Et son coeur n’a pas battu, tout ce temps. Il est resté en suspend, quelque part dans l’infini. Seul. Froid.
Puissant.
Ses lèvres se détachent l’une de l’autre, sèches. L’obscurité noie la pièce dans les ténèbres les plus profondes. Ténèbres qui n’ont jamais été plus profondes que dans les yeux de cet homme. Noir. Blanc. Gris. La couleur n’existe pas, dans ce monde-ci. Il n’est fait que de lumières, d’ombres, de reflets, d’illusions. Est-il réel, cet instant suspendu dans le temps ? N’est-ce pas encore un rêve, encore un, comme il y en a eu des centaines ? Est-il lui même ? Sont-ils réels ?
Les ténèbres n’ont jamais été plus profondes que dans les yeux de Drew.
« Est-ce que tu as encore peur du noir, Sarah ? »
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Sujet: Re: Monster. Dim 23 Mar 2014 - 23:47
AND I DON'T MIND DECAY 'CAUSE YOU ARE THE NIGHT THAT SAVE MY DAY
« J’aimerai te tuer. » Mon cœur se serre.
Je sais Drew. Alors fais le, brise les chaines. Même ainsi, alors que je m’offre à toi, tu continues encore à t’étrangler dans mes filets, à mes pieds. Pourquoi ? Pourquoi continues-tu de vouloir garder ce semblant d’humanité, alors que tu es mort – alors que je t’ai tué. Cette fine lumière, ce minuscule espoir, c’est ce qui me fait souffrir le plus dans toute cette histoire. Qu’il me pardonne, ou qu’il me tue. Qu’il perde ou que je gagne. C’est donc impossible ?
Nous voilà condamnés à se retrouver tous les deux perdants. Insatisfaits, frustrés, bouffés.
Lentement digérés par les regrets et les silences. Silence qui étend toujours un peu plus ses ailes sur nos silhouettes qui n’ont jamais parues aussi frêles, dénués de leur habituel jeu de mort. J’observe son regard naviguer dans ma direction, et je réprime un frisson lorsqu’il se lève. Tout en moi se tend comme un arc – habituée à chasser, à blesser, à contre-attaquer. Proches.
Nos cœurs sont bien trop proches, leurs battements erratiques se répondant l’un à l’autre. J’ai peur, j’ai mal, je suis fatiguée – pourquoi le temps ne peut-il pas s’écouler plus rapidement ? Nous emmener directement là où tout est fini, réglé, plié. Là où nos petites guerres éclateront en l’air. Six pieds sous terre.
Sa main se lève, sa main vient effleurer mes bras – remontant, glissant. Appelant mon sang à bouillir de nouveau dans mes veines. Ma respiration se bloque, et je me cambre légèrement à la sensation de ses doigts tremblant sur ma nuque. Ma mâchoire se serre pour réprimer le feu qui s’allume au bout de mes doigts. L’envie mordante de sentir la texture de sa peau s’animer de nouveau sous mes paumes – de vérifier la tangibilité de mes souvenirs dans ce monde d’illusions.
Tout en séduction, tout en précaution, tout en destruction – nous nous attirons pour mieux nous repousser. Nos yeux se mélangent enfin en une même encre. Sans couleur. Sans vie.
« Est-ce que tu as encore peur du noir, Sarah ? » Je viens mordre ma lèvre inférieure, allant chercher la réponse au fond des abysses sans fin de son regard. Bien sur que j’en ai peur – comme du silence, du bruit, et de moi-même. J’en ai toujours eu peur – toujours été terrifiée par les ombres. Mais aussi, tellement attirée, fascinée, ensorcelée. Gamine voulant trouver le monstre qui se cachait sous le lit – terrorisée à l’idée qu’il puisse la manger toute entière. Se rendant compte qu’il n’existait pas, et décidant de le devenir. De faire partie des ténèbres dans l’espoir d’un jour s’y habituer. Mais on ne s’habitue pas à l’obscurité – c’est comme une putain de maladie dont on devient bien trop vite accro.
Mais là, tout de suite, est ce que j’en ai peur ? Un souffle s’échappe de mes lèvres, et la chaleur de ses doigts sur ma nuque me fait courber la tête. Mon front vient se déposer avec délicatesse sur son torse, et je me perds un instant dans le compte de sa pulsation. Vivant, bien vivant et pourtant si mort. « Oui, ça me terrifie. » Je murmure faiblement, alors qu’une de mes mains vient enserrer ses doigts libres avec force. Griffant, accrochant pour ne pas fuir le contact. Mes lèvres forment un sourire triste. « Sauf quand tu es là. »
Car avec toi, Drew, je ne peux pas avoir peur des ténèbres – je suis les ténèbres. Je suis la Reine, la cruelle, la meurtrière – et il m’est impossible de me permettre de faiblir dans cette mer d’ombre qui remplit mes poumons. De plus en plus, mes ongles s’enfoncent dans sa chair alors que je mords ma lèvre à en saigner. Même ainsi, même loin de mon armure et de mes armes, même sans ma violence et mes attitudes cruelles, même si faible, je n’arrive pas à avoir peur. Car nous sommes deux. Deux êtres tous petits et sans défense face à aux ténèbres – et que par la violence de nos existences, nous nous donnons du courage.
Les frissons qui parcourent ses doigts se répercutent dans ma colonne, et je lève le menton vers lui – les yeux nimbés d’une infime lumière, solitaire, triste.
« Est-ce que tu as peur de moi ? » Regarde comme tu trembles, Drew.
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Sujet: Re: Monster. Mer 26 Mar 2014 - 22:11
Le front de Sarah contre son torse, le jeune homme leva les yeux devant lui, puis au plafond, s’autorisant à rapprocher sa mâchoire de son crâne tandis que sa main, aussi douce que vampirique, vint lui caresser la nuque, l’enlaçant, la dévorant.
- Oui, ça me terrifie. Avoua t-elle, tandis qu’il accueillait, impuissant, sa main venant s’agripper à la sienne avec force. Sauf quand tu es là.
A ces mots, l’homme déglutit mais ne cilla pas, n’exprima rien de plus que ce visage figé, impassible, au regard impénétrable qui le caractérisait. Il en comprenait néanmoins tout le sens qu’elle voulait y donner. Un spectateur les écoutant ne pourrait saisir la moitié de leurs échanges, mais eux savaient. Eux se comprenaient. Ils s’étaient toujours compris, peut-être trop bien, même.
Vint alors l’instant ou elle leva les yeux sur lui, venant quérir son regard qu’il ne lui accorda qu’après quelques secondes, baissant sur elle les deux gouffres sans fin qu’étaient ses yeux. Plus que de mal, les griffes qu’elle plantait dans sa main le faisait frémir de ce je-ne-sais-quoi qu’il ressentait toujours, lorsqu’ils étaient proches. Agacement, défi, désir, excitation, pulsion. Ce tout, ce tout qui dansait incessamment autour d’eux mais aussi en eux. Une tension constante, rendant l’air âcre, épais, presque difficilement respirable.
- Est-ce que tu as peur de moi ? Demanda t-elle de ce souffle qu’il ne connaissait que trop bien, qu’il accueillait entre ses propres lèvres comme un poison, une drogue de laquelle il ne pouvait - ne pourrait - jamais se passer.
Il y eu un silence. Un silence pendant lequel il la toisa, réfléchissant rapidement. Car derrière ses yeux profonds et son calme semblant inébranlable - qui était loin de l’être quand on connaissait son impulsivité - son cerveau était toujours en intense réflexion, sur tout. Observation, analyse, réflexion, déduction. Et, lorsque la réponse était là, au bord de ses lèvres, il continuait d’y réfléchir. Manipulant le mensonge avec grande aisance, il disait rarement le réel fond de ses pensées, préférant user de fourberies et multiples détours plutôt que d’avouer certaines vérités.
Et, parfois encore, il se sentait suffisamment supérieur et libre pour ne pas prendre la peine de répondre. Ce fut le cas à cet instant. Sarah n’eut pour réponse qu’un bref sourire, tandis que, saupoudrés d’une malice mauvaise, son regard s’échappa du sien en même temps qu’il la contournait. Insaisissable. Drew avait cette force, cette confiance. Personne ne pouvait lui imposer quoi que ce soit. Personne. Une confiance, un trop plein d’assurance probablement dûe à sa force physique et à son don, le rendant invulnérable, invincible.
Et cette certitude qu’il avait eu, tout petit, et qui ne le quitta jamais: Personne n’était en mesure de lui donner un ordre.
Ses parents, les professeurs, Nemesis, le directeur. Drew n’a toujours obéit que lorsqu’il était d’humeur à coopérer. Enfant terrible, libre et insaisissable; ce soir encore, il s’offrait le luxe de ne pas répondre à Sarah, parce-qu’il n’en était pas obligé. Une force physique certaine, une régénération corporelle, un esprit de fer. Drew serait l’être le plus solide, si il n’y avait pas ça. Au plus profond de lui. Sous son armure épaisse. Ce coeur, qui lui, était si fragile. Un coeur meurtri, qui détruisait le colosse de l’intérieur.
Un coeur qui faisait que, même ce soir, même cette nuit, il la craignait, elle. Anshu, Nemesis et Sarah étaient les trois seules et uniques personnes que Drew considérait comme capable de l’atteindre. Et tout les trois l’avaient déja atteint, et avaient croqué dans ce coeur en décomposition - même si Nemesis ne l’avait pas fait intentionnellement. Sa maladie et l’annonce de sa mort était bien le troisième pieu planté dans son palpitant, le faisant saigner jour après jour.
Ayant abandonné Sarah près du bureau, le jeune homme rôdait désormais dans la pièce, sans destination précise. Ses pieds nus marchèrent sur le parquet, puis la moquette dépassant de sous son lit. Il fit demi tour, venant finalement près de la fenêtre qu’il ouvrit, rendant les bruits de la pluie et de l’orage soudainement plus intenses. Il s’accouda alors à la fenêtre, observant les alentours trempés, silencieux, ignorant les gouttelettes tombant parfois sur ses bras, soufflées par le vent.
#2D3B3A
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Sujet: Re: Monster. Jeu 27 Mar 2014 - 14:43
I WILL BREAK INTO YOUR THOUGHTS WITH WHAT'S WRITTEN ON MY HEART I WILL BREAK BREAK BREAK BREAK BREAK BREAK. I'M SO SICK.
Sa main dépose une caresse sur ma nuque – et je frissonne, alors que ses yeux viennent trouver de nouveau les miens. Langueur. Le temps s’alourdit de nouveau, se comptant en nombre d’expirations qui s’échappent de nos lèvres fermées. Le silence est là, le silence nous dévore – tout comme cette pointe de désir qui vient lécher le creux de mon ventre.
Tout ça commence à devenir vraiment dangereux. Mais je veux savoir, moi, je veux des réponses à toutes les questions qui pourrissent mon âme, je veux des réponses à tous mes doutes, toutes mes peurs. C’était surement ça, le dernier moyen qu’il nous restait pour arranger les choses. Ouvrir les cœurs, et manger cette vérité si cruelle, si blessante – encore pire que ce monde de mensonges dans lequel nous mourrons petit à petit.
Réponds Drew, je t’en supplie, sauve nous.
Il sourit. Son sourire. Ce sourire. Mon sang se glace alors que mon regard vient épouser le sien, vibrant. C’est celui du petit démon qui en a assez d’essayer de faire le bien - ennuyé. C’est celui du petit démon qui veut jouer – vérité envolée. Il se détache et s’en va laissant derrière lui sa tiédeur empoisonnée, et j’ouvre la bouche pour enfin respirer. Un air aigre qui ne fait qu’augmenter l’intensité du brasier de mes poumons. Je connais cette sensation – c’est la même que celle que j’avais ressentie alors qu’il m’avait demandé de l’embrasser, au café. Le même mal qui vient me tordre les entrailles, siffler à mes oreilles – si déjà vu. La manière dont on se blesse pour s’enfuir juste après - dans l’espoir de sauver une dernière fois notre âme. La manière dont on met fin aux conversations qui s’approchent un peu trop près de nos véritables sentiments. Ca ne peut plus continuer comme ça.
Je ne veux plus continuer comme ça.
Si fatiguée, morte et maintenant en colère – je ferme les yeux un instant. Son sourire encore bien trop présent dans mon esprit – son absence de réponse. Et la sensation de nos peaux se touchant s’encrant peu à peu sous ma peau, qui se retrouve de nouveau tatouée par mes sentiments. Nos sentiments. C’est rampant, c’est inexplicable – mais ça fait doucement battre mon sang de nouveau. Et ma léthargie, douleur, épuisement se transforme comme à son habitude en un masque malsain de séduction, de jeu, de dégout, de pitié. Envers moi, lui, nous – envers ce sourire si rempli d’émotions contradictoires.
Lentement je viens le rejoindre, mes pieds faisant doucement grincer le parquet – et je reste un instant derrière lui à contempler son dos, sa silhouette se noyant dans la tempête qui a éclaté. Enfin éclaté. Une respiration, deux battements de cœur – et mes bras viennent enlacer sa taille, alors que ma bouche se rapproche de son oreille. Je suis redevenue ce serpent fait d’amertume et de poison – toute couverte des écailles de son Mal. Je susurre.
« Répond-moi, Drew. » Douce supplique, mes mains glissent sur sa peau, la caressant avec une avidité toute retenue, alors que mon souffle tremblant vient effleurer son oreille. Je ne veux plus continuer comme ça. Alors au moins ce soir, Drew, parle-moi. Enlève le lourd verrou qui ferme ton cœur, et montre le moi. Je veux apprendre à connaitre cette créature à qui j’ai donné la vie en te tuant.
Mes lèvres s’entr’ouvrent, frémissantes.
Et je viens passer le bout de ma langue sur la peau de son cou, remontant jusqu’à son oreille. Mordant tendrement son lobe – enivrée, pressante mais si lente, suppliante. « Parle-moi. » Pose moi toutes ces questions qu'hurle ton âme - pourquoi la rupture, pourquoi le Prince, pourquoi le mal, pourquoi mes sourires ? Mes mots glissent - c'est le serpent qui parle, c'est le démon qui vient user ses charmes - réfrénant le désir pur qui vient secouer ses entrailles.
Si c’est en nous faisant mal que j’arriverai à trouver la solution à notre problème, je n’hésiterai plus à le faire. Plus un seul instant.
Les éclairs brûlaient ses yeux abyssaux d’une lumière aussi violente qu'éphémère. Le tonnerre grondait désormais en continu autour du pensionnat, dans un bruit grave et faible.
Dans le bungalow, le silence s’était installé depuis qu’il avait ignoré sa question, et l’homme espérait qu’il dure. Qu’il dure éternellement. Que ce vide, ce froid s’éternise. Car chaque mot de Sarah était poison. Chaque souffle, chaque geste, chaque contact était une façon de faire pivoter la lame qui, toujours dans son coeur, le faisait saigner abondamment.
Quand allait-il enfin se vider de son sang ? Il semblait inépuisable. La souffrance ne le quitterait donc jamais ? « Laisse-moi seul, Sarah. » Pensait-il, mâchoire serrée, fixant les buissons en face. Une demande, une prière. Plus le temps passait, plus le silence les enveloppait, et plus il désirait qu’elle s’en aille. Parce-que sa présence était lourde. Ecrasante. Et le colosse en aurait presque les jambes tremblantes.
Mais il y avait pire que cette présence, ce silence. Il y avait ce contact. Les muscles de son dos se raidirent bien qu’il resta parfaitement immobile, insensible sous son contact. De marbre, il ne cilla pas lorsqu’elle passa les mains de Sarah autour de sa taille. Il ne cilla pas lorsqu’elle vint murmurer à son oreille. Statue sans vie.
Et pourtant, son coeur, lui, cognait violemment désormais. Elle avait toujours le don de broyer son palpitant au creux de sa maigre main. Et là était bien le pire.
Le serpent susurra à son oreille, la succube caressait son corps. Faible. Il avait toujours été faible face aux femmes. Elles étaient à ses yeux l’arme ultime, étant le premier à tomber pour elles. Homme à femmes, animal instinctif, primaire. Le sex était probablement la seule façon de l’atteindre physiquement - et Anshu avait compris cela. Ainsi, sentant ses mains sur son corps, il frémît, mais ne cilla toujours pas.
- Parle-moi.
Il aurait voulu lui dire un milliard de choses. Combien il l’aime. Combien il la hait. Combien il a mal. Lui demander pourquoi leur rencontre. Leur amour. Marwin. La rupture. La haine. La souffrance. Le mal. Anshu. Son enterrement. Le bar. Les larmes. Le baiser.
Pourquoi ce soir. Pourquoi le carnage dans la chambre, pourquoi la lampe torche, pourquoi sa fierté, pourquoi leur désir, pourquoi leur lâcheté. Les souvenirs. Les espoirs. L’abandon.
Pourquoi eux.
Pourquoi.
Et au fur et à mesure que les pensées courent sous la pierre, la statue s’effrite. Se craquelle. Il déglutit d’abord, baissa les yeux ensuite pour inspirer. La poussière glisse, souffle, tombe. La pierre se brise. Il se redressa alors tout doucement, dans une inspiration qui semblait ne plus finir. Et debout face au chaos des éclairs et au grondement du tonnerre, il fixa encore quelques secondes l’extérieur, le regard vide. Vide ? Non. Etranger. Habité.
Tout aussi lentement, il défit les mains de Sarah de sa taille pour se retourner face à elle.
A cet instant, elle pu alors le voir. Non. Les voir. Il la fixa intensément, et un sourire effroyable vint étirer ses lèvres. Silence.
Il éclate en sanglots. Il rit. Il frappe. Il murmure. Il gémit. Il hurle. Il souffre. Il ricanne. Il tombe à terre. Il l’embrasse. Il la mord. Il la pousse. Il sourit. Il frappe.
Il frappe. Frappe.
Un regard instable. Brouillé. A chaque seconde, on eut l’impression d’avoir à faire à quelqu’un de différent. Ce n’était pas Drew. Pas que. Une multitude de lui défilaient dans son regard. L’abysse était habitée de fantômes, de démons, chacun hurlant au corps d’agir. Voices in my head. Elles dansent, les voix, dansent une valse infernale, chacune menaçant de prendre le contrôle.
Dans son regard impénétrable, dans ce gouffre sans fin régnait désormais le chaos. Inspiration. Sourire. Et une voix qui, tout à coup, était pleine d’une assurance et d’une arrogance sans égal.
- Viens-tu réellement de jouer au serpent avec moi, Sarah ? Il fit un pas en avant, la fixant, pénétrant son âme. Crois-tu... réellement être un Démon ?
Et sans lui laisser le temps de répondre, il empoigna sa gorge avec force, la serrant dans son poing puissant comme un vulgaire morceau de viande. Son corps entier frémit sous la tension qu’il mettait dans ce geste.
- Réponds à cette question Sarah. Est-ce que. J’ai. Peur. De toi ?
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Sujet: Re: Monster. Dim 6 Avr 2014 - 22:46
I'VE BEEN WAITING FOR THE DAY I WILL SURELY DIE AND IT'S HERE, IT'S HERE FOR I'VE BEEN TOLD THAT I WILL DIE BEFORE I'M OLD
Ses muscles se tendent et sa peau frémit alors que la satisfaction s’empare lentement de moi, sourde à toute forme de faiblesse. Plus de regrets ni de remords.
J’exulte.
Consciente de la chaleur cruelle qui nous enveloppe et du mal que je lui procure par ces simples baisers que je dépose sur son cou. Chemin ardent. Secondes, minutes. Ma prise se resserre, impitoyablement douce – sans pour autant l’emprisonner. Il y a toujours cette limite qui ne peut être franchie, ce mur impénétrable qui rend ces moments encore plus désirable. Hors d’atteinte l’un comme pour l’autre, et pourtant si proches – c’est sûrement ça qui a fait de nous ce que nous sommes. Etres perdus, fous, intenables – bêtes frustrées par cette distance infranchissable.
Minutes, heures, années ? Le temps semble s’allonger sous notre souffle – comme il a toujours eu l’habitude de le faire. Un an ensemble qui a compté pour des années – deux ans séparés qui se sont transformés en éternité. Ce temps, toujours le même, qui nous broie petit à petit, écrasant, et qui finira inévitablement par nous manquer.
On finit inévitablement par se manquer Drew, c’est sûrement ça le problème.
Il se retourne, et je le laisse se défaire, comme je le fais toujours. J’inspire, me rendant enfin compte de cette boule coincée dans ma gorge, ce résidu de peur qui n’arrive jamais à disparaître. Je sais déjà ce qu’il se trouvera sur son visage. J’anticipe – et je sais.
Ce sourire. C’est celui du Drew que j’ai créé, tout nimbé de ténèbres. Celui qui tue, qui ravage, et qui souffre derrière son outrageuse arrogance. Je viens affronter son regard. Il a la violence, la peur, l’arrogance, la fragilité, la douleur trop pure pour être cachée. J’ai mes travers, ma lâcheté, ma culpabilité et ma passion. Le chaos régnant dans nos pupilles plus sombres que l’enfer se mélangent encore, échangeant leur folie – leur démence.
Tension, pression fulgurante. L’air se remplit de cette ambiance malsaine que seuls nos jeux inhumains sont capables de créer. Respiration. Sa main vient trouver ma gorge, je me cambre au contact de cette violence qui couvait - éclatant enfin sous la lumière de la Lune. « Réponds à cette question Sarah. Est-ce que. J’ai. Peur. De toi ? »
Peur ? Mes dents se desserrent, alors que je relève mon menton, cherchant de l’air – le laissant siffler entre mes lèvres entr’ouvertes. Peur. Je pense à Marwin et aux coups qui ont marqué mes joues – et j’ouvre la bouche. La ferme. Tout comme mes pensées. Peur. Un sourire s’étale sur mes lèvres, dérangé, bien trop pareil au sien. Il n’était pourtant pas compliqué de répondre raisonnablement. Quiconque dans cette situation aurait répondu de manière à ce que cette main disparaisse de son cou – et pourtant.
Un rire éclate de ma gorge, l’écorchant au passage. Evidemment que tu as peur de moi Drew. Sinon, pourquoi toute cette peine ? Pourquoi désires-tu tant me faire taire, me faire disparaître de ton cœur, si ce n’est pas par peur ? Pourquoi est-ce que j’ai peur de moi-même, si tu n’as pas peur de moi ?
« Tu es terrifié. » - Arrogante, triomphante, fière – ma langue claque. Ma main se pose sur son poignet de cette douceur empoisonnée. L’incitant à serrer. Allez Drew, serre-moi, plus fort, serre-moi comme lorsque nous étions amants, étreins moi de toute ta force, ta haine.
Mes yeux viennent alors de nouveau se confronter aux siens. Serre Victorieuse dans tous les cas de figure. Qu’il abandonne et asseye le pouvoir que j’ai déjà sur son cœur, ou serre jusqu’à ce que ma fatigue trouve sommeil. Qu’il me tue enfin. Ah, qu’est ce que j’aimerais qu’il le fasse – qu’il éteigne ma conscience entre ses doigts.
Serre. C’est maintenant moi qui serre son poignet, crispée, accrochée – violente. L’incitant toujours plus à tordre mon cou, dans lequel mon pouls s’accélère. Je vibre, je tremble d’impatience en espérant qu’il me tue – noyée dans ma folie pour cette Mort qui me fascine tant. Crois-tu... réellement être un Démon ? Sa question me revient à l’esprit – et j’articule, ce sourire malsain étirant toujours mes lèvres.
« Je ne suis pas un Démon. Je suis ton Démon. » Celui qui tournera toujours autour de ton cœur, de ta tête, dansant d’un pied sur l’autre en riant de plus en plus fort, jusqu’à ce que tu te décides à le faire taire. « Alors décide-toi. Serre. Tue-moi. Déchire-moi….. » Libère toi enfin dans la plus belle et inoubliable agonie – et avant tout …. « Embrasse-moi. » Ordre donné sur le même ton que ce fameux jour au café. Jeu sordide.
Attrape de tes lèvres mon dernier souffle – fais de ma vie la plus belle des tragédies. Toute consumée de folie.
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Sujet: Re: Monster. Dim 6 Avr 2014 - 23:45
- Tu es terrifié.
Elle semblait en être certaine, lui l’était moins. Il la dévisageait, le visage marqué, les traits comme marqués dans le métal. Ses pupilles sautaient entre les siennes, la mécanique de son cerveau tournant rapidement. Terrifié. C’était sa réponse. Avait-elle raison ? Introspection. Il lui avait demandé car lui-même ne connaissait pas la réponse. Et ce, malgré qu’il se soit posé cette question plus d’un milliard de fois.
La peur n’empêche pas le danger. Et danger, il y a eu. Pouvait-il encore avoir peur ? Pouvait-elle encore le détruire davantage ? Lorsqu’il l’avait perdue la première fois, il pensait que cela ne pourrait plus arriver. Qu’elle avait fait le pire. Que c’était terminé.
Et pourtant. L’image floue d’elle, prenant du plaisir avec Anshu, vint littéralement broyer son coeur à cet instant précis, lui faisant mal physiquement, sous la peau, un mal de chien. Sa seule réaction fut de déglutir. Personne n’y verrait rien. On y verrait que du feu. Mais ce genre de geste minuscule, pour Elle, pouvait être révélateur. Beaucoup trop révélateur.
- Je ne suis pas un Démon. Je suis ton Démon.
Mine. Il eut la vision de soldats marchant sur des mines, de corps explosant dans tout les sens. De membres s’arrachant, volant. Une jambe. Un foie. Une tête. BAM. BAM. BAM. Explosions, fracas, déchirures, décompositions. Des giclées de sang, il pouvait presque en ressentir le goût dans sa bouche. Et pourtant. Ce n’était qu’une image mentale - en réalité, ce n’était que son corps qui frissonnait. Ou peut-être ce monstre, en lui, éclatant sous ses mots. Elle est son Démon. Aucuns mots ne pourront être plus vrais que ceux-ci.
- Alors décide-toi. Serre. Tue-moi. Déchire-moi…. Embrasse-moi.
Il n’avait pas bougé d’un pouce. Colosse au masque de fer, il avait maintenu sa prise sans serrer, sans ciller, sans ne montrer aucun signe de quoi que ce soit. Mort.
Alors, tout doucement, il défit son emprise. Ses doigts se détendirent un à un, libérant un coup marqué de traces blanches, virant rapidement au rouge. Et ses doigts, pernicieux, ne quittèrent pourtant pas sa peau: ils glissaient, effleuraient, remontant jusqu’à son oreille qu’il vint caresser d’une douceur infinie, glissant avec tendresse ses mèches courtes derrière elle. Il déglutit de nouveau, son sourire avait disparu.
Et, tout doucement, il approcha son visage du sien, fixant ses lèvres. L’approche sembla interminable, pourtant son corps basculait bien vers celui de la frêle jeune femme. Il entrouvrit ses lèvres, ne cessant de fixer les siennes, tentatrices, diaboliques, addictives. Et au moment de les frôles, il tourna la tête, venant ramper contre sa joue, glissant, susurrant dans son oreille dégagée:
- Je connais bien les démons, Sarah. Il ne faut pas entrer dans leur jeu. Il fit glisser sa langue sur son cou, soufflant, empoignant ses cheveux sensuellement, remontant ses lèvres à son oreille. Je sais que la meilleure façon de te détruire est de ne rien te faire. Ses lèvres se recourbèrent dans un rictus, dévoilant ses crocs, plisser son nez. Je ne te tuerai pas. Je ne te frapperai pas. Je ne t’embrasserai pas. Je vais te laisser pourrir dans cette attente. Je vais te laisser te noyer dans ce vide. Je n’apaiserai pas tes souffrances, Sarah. Tu mourras lentement, dans la douleur, et seule.
Il se redressa, jeta dans ses yeux un regard, un sourire mauvais et se détourna d’elle en la lâchant vulgairement. Sur son bureau traînait un verre, et il se servit, tranquille, de son whisky offert par Nemesis qui ne quittait jamais son bureau. Il revint alors à la fenêtre, se postant devant elle pour regarder dehors, faisant tournoyer le liquide dans son verre après une gorgée.
- On a plus rien à se dire pour ce soir. Ferme la porte en sortant.
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Sujet: Re: Monster. Lun 7 Avr 2014 - 21:55
EVIL KNOCKING AT MY DOOR EVIL MAKING ME ITS WHORE I DON'T MIND IF YOU TAKE WHAT YOURS BUT GIVE ME MINE
Tout s’est perdu dans le chaos de notre folie. Tout ce que je croyais être Bien ou Mal – tout s’est effacé quand j’ai demandé à ce qu’il scelle mes lèvres. A quoi bon s’attacher à de telles valeurs après tout ? Nous sommes fous.
Fous l’un de l’autre dans une obsession aussi tordue que jouissive.
Ma gorge se libère et je fais siffler cet air maudit entre mes lèvres. Pulsation, douleur dans mon cou ; j’ai déjà conscience de la marque violacée qui restera étendue sous ma peau – magnifique papillon de douleur. Je reste immobile – figée dans cette expression de joie malsaine, alors que sa main vient caresser mon oreille. Mes cheveux. Il y a cette tendresse qui me fait mal – qui vient serrer mon cœur dans ma poitrine. Elle m’avait manquée – cruellement manquée. Il y a cette fierté monstrueuse qui me force à sourire, alors que ses lèvres ont perdu leur arrogance.
Souris Sarah, montre à quel point tu es laide. Montre que tes belles larmes ne couleront plus – qu’elles resteront confinées dans la pièce sombre, où la Sarah - qui ne souhaite que le bonheur de cet homme - hurle et se brise.
Il s’approche, de plus en plus près – dans un moment qui semble durer une année entière. Il s’approche, et le chaos qui empoisonne mon sang redouble de virulence. Trop d’attirance physique, charnelle – trop de désir – trop de passion pour un amour mort dont l’odeur fanée nous étouffe. Nous prend à la gorge comme un prédateur – se mêle à notre souffle. Proche, je sens son odeur – fumée âcre, café. Elle se mélange à la mienne. Et nous voilà enivrés par cette sensualité qui possède l’arôme des mensonges et promesses brisées. Brisées par cette limite. Toujours la même. Toujours ce mur infranchissable, insurmontable – toujours ces quelques millimètres et battements de cœur entre nos lèvres. Il s’enfuit, s’échappe, glisse contre ma joue.
Et le Diable vient toquer à ma porte – soufflant ses lourds mots de péchés. Avidité. Orgueil. Enveloppés dans cette Luxure qui anime nos gestes. Ma peau frémit, réagit au contact de sa langue comme avec une vieille amie. J’ai chassé l’habitude créée par notre amour, je l’ai enfermée dans ce lourd coffre dont les chaînes s’usent de plus en plus. Mais mon corps ne l’a pas oubliée. Mes muscles se tendent en un frisson d’extase qui part du creux de mon ventre pour remonter jusqu’à mes épaules. Ma tête part doucement en arrière.
Subjuguée.
« Je ne te tuerai pas. Je ne te frapperai pas. Je ne t’embrasserai pas. Je vais te laisser pourrir dans cette attente. Je vais te laisser te noyer dans ce vide. Je n’apaiserai pas tes souffrances, Sarah. Tu mourras lentement, dans la douleur, et seule. »
Subjuguée.
Plus que le danger, plus que ces paroles de mort - si justes, si tristes - plus que toute cette haine, asphyxiée de folie - la partie la plus tourmentée et tortueuse de ma personne l’admire. S’exalte de ce si beau démon qu’elle a créé à force de coups aux cœurs et de larmes corrompues. C’était donc ça – c’était donc lui, l’Ange déchu qui ne m’offrira jamais rédemption.
La démence anime mon regard, sourire, visage qui se perd dans un masque de déraison. Silence. Minutes. L’alcool coule dans son verre, et doucement je rebaisse mon menton, me retrouvant nez à nez avec son torse. Un pas, deux sur le côté, nos épaules se touchent.
« Tu n’arriveras pas à m’ignorer, Drew. Pas tant que je continuerai de faire de ta vie un si bel enfer. » Parce que je continuerai. Jusqu’à ce que tu m’offres cette Mort parfaite que le démon en moi convoite. Lentement, je continue de marcher vers le centre de la chambre – lourde, désarticulée.
« Et si tu penses qu’il te suffit de faire la même chose avec moi – sache que c’est inutile. J’ai déjà réussi à vivre sans toi. » Subsister , s’accrocher à mon petit lambeau de vie pensant que tu étais mort. « On a déjà réussi à vivre sans toi. » Le Prince et moi. Cruauté. Ce on n’a pas lieu d’être, ce on ne devrait même pas être prononcé. Et pourtant, il sort de mes lèvres comme un poignard – un dernier, que je lance avant de continuer mon chemin vers la porte.
Ma culpabilité, mon amour encore trop présent pour lui, mes craintes, ma peine - tout ça n’a plus vraiment d’importance. Plus de logique. Tout ça n’est bon qu’à être détruit.
Il le sait. Elle a raison, absolument raison. Rien n’est plus vrai. Tout deux savent que ce jeu durera. Durera encore et encore, les entrainant dans les plus sombres tourments. Fantômes planant, ombres dansantes. Les flammes lèchent leurs corps que la moisissure gangrène. Ils suintent le poison qui glisse, s’infiltre, et tuent. Qu’est-ce qu’une arme blanche, qu’est-ce qu’un pistolet, une épée lorsqu’on a l’un pour l’autre un amour si assassin ? Qu’est-ce qu’un coup de couteau, qu’une balle dans la bouche lorsqu’un regard, un mot suffit à tuer ?
Ses mots fusaient, se heurtant au dos puissant du colosse. Les flèches cédaient sous la dureté de son armure. Le soldat se tenait immobile, encaissant. De marbre. Monstre d’arrogance, de force. On ne pouvait l’atteindre. Il avait un seuil de souffrance trop élevé, un corps trop puissant, régénérateur. Un entraînement au combat de rue. Un mental d’acier. Dix hommes acharnés seraient le minimum pour le mettre à terre, et une fois libre, son corps reprendrait ses forces, et tout le reste suivrait. Monstre de violence. Géant de fer, invincible.
- On a déjà réussi à vivre sans toi.
Et la flèche transperça son armure. Tranchante, elle déchira la moindre parcelle de chair. Peau, tissus, muscles. Elle s’enfonça dans son dos, transperça son coeur dans la souffrance la plus insoutenable.
Et il hurla.
Mâchoire close. Dents serrés. Yeux rivés au loin. Le soldat hurla de douleur, tomba à genoux. Les larmes l’aveuglaient, la souffrance pulsait dans tout son être, déchirante. Ses cris atrocent résonnaient, déchirant l’obscurité. Et il pleurait. Ses larmes se noyaient dans son sang - il était épuisé.
Alors il appela la mort. Il la supplia de venir le prendre, de l’accepter cette fois. Mais la Mort ne voulait pas de lui. Il était prisonnier de sa souffrance, ses mains baignées dans son sang, son corps et son esprit se vidant.
Et son coeur, transperçant, battant plus fort que jamais.
Face à la fenêtre, il ferma les yeux. Il n’était ni à genoux, ni en sang. Mais il pouvait ressentir la douleur de sa flêche nichée dans son coeur - et si les larmes ne coulaient pas, son coeur explosait bel et bien sous les larmes. Il explosa le verre entre ses mains d’une facilité déconcertante. Il vit bien le verre s’enfoncer dans sa peau, eut un rictus mauvais: il ne ressentait aucune douleur. Son coeur absorbait tout. Son coeur. Sa seule et unique faiblesse. Du bout des doigts, il ôta les plus gros morceaux de sa paume; d'ici quelques minutes, il n'y aurait plus de traces. Alors, d'une lenteur infinie, il se retourna.
Il souriait.
- Ne pars pas Sarah. En fin de compte nous n'avons pas fini.
Voix doucereuse. Regard dément. Sourire carnassier. Un pas. Vas t-elle fuir ? Non. Bien-sûr que non. Il laissa échapper un petit rire.
- Je n'aurai pas tenu longtemps. Mais on sait tout les deux que tu as raison. Je ne peux t'ignorer. Et sa voix devint souffle. Pas après ça.
Il s’approcha, la contourna, calme, pour fermer la porte devant elle. Il en tourna la clé, qu’il laissa pourtant en place. Alors il glissa son regard abyssal sur elle.
- C’est drôle que tu parles de vous. On a jamais pris le temps d’en parler.
Il s’arrêta quelques secondes, son attention détournée sur un papillon de nuit, venu faire battre ses magnifiques ailes dans cette atmosphère sordide. Il reposa son regard sur elle, se tenant à une distance raisonnable.
- Je me suis retenu. Je... me suis contenté de saccager ta chambre. Il pencha la tête, souriant en la regardant avec douceur. J’en ai marre de me retenir.
Son poing vint s’écraser sur la joue de Sarah, rapide comme l’éclair, puissant comme la foudre. Longue inspiration pendant laquelle il ferma les yeux, souriant, ne se souciant guère du sort de la jeune fille. Il savait. Il savait quelle serait sa réaction. Et comme prévu, lorsqu’il posa les yeux sur elle, elle souriait. Il répondit à son sourire avec une tendresse infinie.
- Vois ce que je deviens, Sarah. Tu aimes voir ce Monstre grandir, tu aimes le voir nous détruire. Jour après jour. Il fit claquer ses articulations de la main, l’observant. Il nous tue. Et tu aime ça autant que moi. Tu en es fière, Sarah. Fière de voir ta création, n’est-ce pas ?
Nouveau coup. Il fut aussitôt suivi d’une main lui empoignant les cheveux avec force, venant faire percuter son crâne avec l’étagère la plus proche. Démence.
- C’est fascinant. Fascinant comme il nous détruit, nous rend plus fort. Plus les secondes passaient, plus il se sentait vivant, enjoué. Est-ce que tu l’aime, Sarah ? Regarde-moi. Est-ce que tu aime ça ?
De nouveau, il empoigna ses cheveux, cette fois vint percuter son visage de son genoux, sentant son nez craquer. Il avait son sang sur ses mains. Ses gémissements de douleurs dans les oreilles. Son visage blessé devant les yeux. Et tout cela le nourrissait.
Et le Démon les tuait, ensemble. Consumant l’un pour détruire l’autre.
- Il n’y a plus de fierté, Sarah. Je... je suis las de jouer. Las de me retenir. Las de lutter. Tu veux voir le monstre ? Regarde-le bien. Parce-qu’il est là.
Il lui donna alors un coup de genoux dans le ventre, et un nouveau coup de poing en pleine figure. C’était facile, tellement facile. Une brindille entre les doigts d’un géant d’acier. Tellement, tellement facile. Elle était là, titubant, saignant, souriant sûrement - lui souriait à moitié: il exultait, se soulageait dans ces coups, mais la facilité avec laquelle il faisait cela l’ennuyait presque. C’était facile, de faire du mal. Elle n’avait qu’à tirer une flèche, lui n’avait qu’à frapper. Qu’importe que la souffrance soit morale ou physique, de coeur ou de corps. Qu’importe. il ne s’agissait que de faire souffrir.
- Es-tu satisfaite ? Il le faudra bien, je n’ai pas l’intention de te tuer. Mais voila ma colère apaisée.
Suffisamment pour que les images d’elle et Anshu ne lui fassent plus rien, pour le moment.
- Tu aurais dû faire ça dès le début, Drew. Pourquoi, pourquoi tant de retenue... . Quelques mots murmurés pour lui-même, d’une voix trop étrangère pour être la sienne.
Il appesantit alors un regard lourd sur Sarah, ayant trop soudainement perdu toute trace de sourire. Il l’empoigna par les cheveux et la traîna, sans aucun mal, jusqu’au miroir. Il la forca à s’y regarder, plongeant avec elle son regard dans leur reflet.
- Regarde. Sourire. Oh ce ne sont que des blessures, tu porteras des marques quelques jours, peut-être quelques semaines. Ce n’est rien n’est-ce pas ? Mon mal à moi est bien plus profond. Alors tu te dis que tu as gagné. Que le monstre m’a dévoré, ce soir. Et tu as raison. Tu as gagné, j’ai perdu. Et je suis bien le Démon que tu as fais naître. Tu as gagné, Sarah.
Il approcha alors son visage du sien, léchant sa joue lentement.
- Mais tu as été trop loin. Souffla t-il comme une confidence dans le creux de son oreille. Ma soif de Mal avait disparû. Tout était concentré sur toi et Anshu. Votre relation m’a fait me focaliser sur vous. Tu aurais pû protéger tes proches de moi, Sarah. Mais tu as dis les mots de trop. Et j’ai de nouveau soif de leur faire du mal, à tous.
Il reporta son regard sur la glace, la fixant à travers le miroir.
- Tu sais qui est-ce que je meurs de tuer en premier. Quelle sera la réaction de Jim, en te voyant dans cet état ? Tous, que vont-ils faire, quand tu portera les marques de mes coups ? Jim va venir me trouver. J’en suis certain. J’ai hâte. Tellement hâte.
Le regard fou, des flammes semblaient danser dans ses yeux à l’idée de s’en prendre à Jim.