La guerre était déclarée. Regards. Joach et Heath, sur le coup, n’eurent d’autre réaction que d’entrechoquer leurs bières, le blog RED désormais en ligne. Ils n’avaient ni fierté, ni arrogance; parce-que c’était là leur derniers retranchements. C’était le point auquel ils ne voulaient pas arriver, et pourtant, on les y avait poussé par la force des choses. Ils n’en étaient pas fiers, à vrai dire, ça ne leur faisai rien. Rien d’autre qu’une haine viscérale envers Prismver, et l’envie de tout détruire. Les avertissements étaient lancés désormais. A partir de ce jour, on les regarderait différemment. A partir de cet instant ils seraient des têtes à abattre pour certains, des héros pour d’autres, des mecs à craindre ou ceux sur qui cracher.
A ça, ils en avaient craché, du venin, les Prismveriens. Le lendemain, calé sur son canapé, Heath avait parcouru les réactions des lecteurs. Haine, moquerie, défi. Il était passé au dessus, nullement atteint. Non, son regard n’avait brûlé que sur un seul commentaire, celui faisant allusion à Neil. Embrasement; il avait serré le point de la même façon que son coeur s’était senti oppressé, son ventre noué. Il aurait frappé l’écran, volontier, il s’en était fallu de peu. Il avait failli se lever, sortir, et aller trouver en face à face Tony.
Mais une fois de plus, son sang froid avait pris le dessus. Ne réponds pas. La meilleur défense est l’ignorance, et c’est dans ce schéma qu’il n’avait répondu à aucun autre. Comme glissé à Joach dans un unique commentaire, les autres ne les comprenaient pas. Ils n’avaient compris que ce qu’ils avaient voulu comprendre ignorant le reste, n’y donnant pas de sens. Qu’importe. Heath ne s’était pas attendu à avoir le soutien des élèves. Ils ne s’étaient déja pas bougé du temps d’Entropy, aujourd’hui il ne s’attendait à rien d’autre que de la révolte. Il s’en fichait. Cela ne changerait rien. Au contraire; le chaos était devenu le seul but de ce groupe, et par leurs simples commentaires haineux, les élèves commençaient déja à le répandre.
Qu’importe qu’il soit l’ennemi public. Ceux qui s’opposaient à lui, il n’avait pas besoin de les avoir dans ses amis. Des idiots. Des moutons. Des gamins. Il ne s’en souciait guère.
Et puis il y avait les autres. Ses amis. Skygge, Ashley, Charlie, Hannah... Même Sarah. Ceux qui s’inquiétaient pour eux, ceux qu’il ne voulait pas perdre. Il devait renforcer ses liens avec eux. La guerre de Red n’était pas une raison de les perdre. En aucun cas il ne voulait les perdre.
- C'est une fête de bienvenue pour Fred ? - ... Entre autres.
Cela faisait maintenant deux jours. Deux jours que le blog était en ligne, blog sur lequel Heath et Joach, avec les autres RED, déclaraient la guerre au pensionnat. Et deux semaines qu’Heath avait déclaré ses sentiments à Hannah. Deux semaines à s’éviter, plus encore que d’habitude. Du moins, elle l’évitait. Lui avait fait de ce bungalow le sien, il occupait le salon et la cuisine comme avant, comme si de rien n’était, si bien qu’Hannah passait le plus clair de son temps enfermée dans sa chambre. Lysander était parti quelques jours après leur discussion tendue, alors tout était bon prétexte pour que la jeune femme s’isole. Heath n’avait pas cherché à renouer contact. « Ca passera, ça passe toujours. » Mais ça ne passait pas. D’abord Neil, maintenant Lysander. C’était comme perdre de la force. Il s’était senti affaibli, par deux fois, et les longues soirées en tête à tête avec Skygge n’avaient rien arrangé. Quelque chose s’était brisé - le trio s’était brisé. Skygge avait désormais Preben, quand à Heath, il se sentait plus proche que jamais de Joach - si c’était encore possible.
Heath se redressa, casquette à l'envers sur la tête, playlist lancée sur son pc portable. Un regard à Hannah, à qui il avait répondu alors qu’elle s’était - comme d’habitude - adressé à Joach. C’était un peu puéril, à son sens, mais il ne se permettait pas de réellement la juger. Qu’importe, il devait l’oublier, elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait, il devait la sortir de son esprit.
Mais plus les choses allaient mal, et plus elle y était, dans son esprit. Et autant dire que les choses allaient au plus mal, pour qu’Heath en soit à vouloir détruire cette école qui était son refuge depuis quatre ans. Son regard vrilla sur la dernière arrivée au bungalow; celle qui avait pris la chambre de Lys. Il lui esquissa un sourire avant de s’en détourner. Il voulait qu’elle comprenne qu’ils n’étaient pas ses ennemis. Ils avaient déclaré la guerre à l’école, mais ici, dans le bungalow, elle pouvait être tranquille. Ici, ils étaient Heath et Joach, et non pas des casseurs, non pas un gang à la recherche d’un quelconque trouble. Il était important que Charlie, Sarah, Hannah, Ashley, Skygge, que tous comprennent que leurs missions étaient une part d’eux, mais pas entièrement eux. Ils étaient toujours leurs amis, leurs soutiens; ils seraient à jamais là pour eux. Charlie devait le comprendre. Elle était différente, depuis un moment. Peut-être depuis le blog, peut-être depuis la Nouvelle-Orléans... Heath n’arrivait pas à la cerner ces temps-ci, il faut dire que tout se bousculait pour eux, vite, très vite. Red, Hannah, Pytha... Il vint toquer à sa porte, l’entrouvrit en y glissant son visage, à peine.
- Hey... on a acheté de l’apéro et des pizzas.
Un signe de tête, un sourire, et un malaise; il n’arrivait pas à lire son esprit, et pourtant, il y ressentait un mal être inhabituel.
De retour dans le salon, Fred Hannah et Joach étaient installés. Diverses bouteilles d’alcool étaient disposées sur la table basse, accompagnées de biscuits apéritifs, tandis que l’odeur des pizzas dans le four commençait à se faire sentir. L’ambiance dans le bungalow était bizarre, de plus en plus bizarre - c’est aussi pour ça que le duo avait décidé de faire une petite soirée sympa. Pour se remettre du départ de Lys, pour détendre l’atmosphère par rapport à RED, mais aussi par rapport à Heath et ses relations avec Charlie et Hannah.
... Cette soirée allait droit dans l’mur, et il le savait. Ca ne l’empêcha pas de se vautrer dans un pouf, bière à la main. Il s’en fichait, si ça tournait mal. Il leva sa bière.
- Bienvenue Fred.
Et, portant son goulot à ses lèvres, le regard au sol, murmura:
- ... à la tienne Lys.
Droit dans l’mur, c’était qu’une question de temps. Mais il s’en fichait. Heath se fichait de tellement de choses, désormais.
... A moins qu’il ne fasse qu’encaisser, jusqu’à exploser. ...comme à chaque fois.
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