SAVAGES - PYTHA

If I ever did that, I think I'd have a heart attack

Elle fuyait Dahlia. Elle fuyait ce monde brute, agressif, cette violence sous-jacente et ces tensions à peine dissimulées. Elle voulait s'envoler Dahlia, de sa prison ouverte, de cette douleur qu'on lui insufflait à chaque regard. Parce qu'elle avait peur. Y avait que des inconnus partout, des visages blafards au regard névrosé, des rictus menaçants, un monde de monstre déguisé sous des traits humains. Débarqué depuis un mois seulement, elle n'avait pas encore réussi à trouver ses marques, ses repères, préférant la chaleur rassurante du soleil lorsqu'on se trouve à la cime des arbres, à la froideur des regards des élèves de l'internat. Elle espérait se raccrocher à quelque chose de familier, mais la seule pensée qui lui traversait la tête était son nom à elle . Haut le cœur. Dahlia manqua une branche, se rattrapant du mieux qu'elle pu à la suivante, elle grimaça en sentant sa peau se déchirer légèrement.
Elle grimpait, grimpait aussi haut qu'elle pouvait, comme pour atteindre le ciel, la lune, un peu comme Icare, attiré par le soleil, oubliant les lois de la gravité, ne pensant plus à la chute qui risquait de survenir. Les choses s’enchaînaient beaucoup trop vite pour elle. Cours, pratique, rencontres. Y avait eu trop de gens qui avaient pénétré ce périmètre de sécurité qu'elle s'était construite. Des hommes, des femmes, tous les âges et toutes espèces. Ca grouillait autour d'elle et Dahlia ne savait plus. Qui croire, qui fuir ? Qu'aurait dit Laurestine ? Mais Laurestine n'était plus là. Et Dahlia se sentait comme un nouveau né, lâché en pleine nature sans explication de la réalité. Trop longtemps isolée, elle ouvrait seulement les yeux sur la vérité.
Au secoure, au secoure, sauvez moi
Mais elle ne pouvait pas hurler, Dahlia, avec sa gorge brisée. Alors en réponse à cette douleur un peu trop intense, elle ouvrit la fenêtre la plus proche de là où elle se trouvait pour se glisser à l'intérieur de la chambre. Pas la sienne. Mais qu'importe. Elle avait ce besoin grandissant de remplir ses poches, de toucher à quelque chose qu'on lui refusait, quelque chose qu'elle ne pourrait jamais posséder. Briser les liens de l'objet pour le faire sien. C'était maladif, compulsif, destructeur. Depuis son arrivée, elle avait du répéter ce geste un nombre incalculable de fois. Amassant, entassant, petit à petit, elle se construisait un nid avec des morceaux des Autres. Cherchant peut être une réponse à sa question initiale. Qui était-elle ? Bonne question. Pour le moment elle n'était qu'une intruse, un virus s'infiltrant malicieusement chez les autres.
Elle connaissait cette odeur. Mélange de violence et de masculinité. Ça piquait le nez, ça tordait son ventre. Dahlia avait le sentiment de s'aventurer dans la grotte d'un prédateur absent, pouvant rentrer à tout instant. Rapidement elle fit le tour de la chambre et la mémoire lui revint. Elle mit un visage ses les affaires et un maigre sourire traversa son visage. Vraiment ? Encore ? C'était même pas calculé. Rapidement elle ouvrit le placard pour observer les affaires. Elle avait déjà récupéré son maillot, une chaussette solitaire, un livre de maths abîmé et son tube de dentifrice à moitié entamé. Jour après jour, sans faire exprès, elle s'acharnait sur lui. Pourquoi ? Comment ? Pythagore était tout ce qu'elle fuyait, tout ce qu'elle craignait. Le mâle par excellence, le fait de l'apercevoir lui comprimait le ventre tant elle angoissait. Et pourtant. Pourtant. Elle revenait. Encore et encore et encore. Jonglant avec ses shampoings et observant son lit mal rangé, amusée. A force elle s'y était habituée. Un peu comme Andromède finalement. Tous les hommes n'étaient pas des meurtriers, des bandits ou des voleurs. Certains étaient juste un peu plus grognons que d'autres, il fallait juste savoir les apprivoiser. Laurestine lui avait sans doute aussi menti sur ça.
Soudain fatiguée par toutes ces pensées trop complexes, Dahlia s'adossa au lit, tentant de reprendre un peu ses esprits. On lui avait expliqué que son don la fatiguait énormément quand elle avait tendance à l'utiliser trop ouvertement. Or Dahlia ne savait pas se contrôler, se réguler. Et ça terminait toujours ainsi : tête embrumée et ventre grondant. Comme le disait si bien Laurestine : foutu don.