Tu n'es pas allergique au moins ?

Il s'agissait d'un jour comme les autres au pensionnat, le soleil était au rendez-vous malgré cette froide saison d'Hiver qui s'était installée petit à petit pour adoucir les températures. Le temps n'était plus à l'Eté et, malheureusement, certaines tenues ne pouvaient plus être portées. Cela ne dérangeait pas certaines élèves, après tout, il fallait revêtir l'uniforme de l'établissement. Pour Alice, il s'agissait d'un événement dramatique, porter une belle robe, allait devenir quelque chose de rare, très rare. Elle était déjà déboussolée car quand elle se levait le matin, il faisait encore nuit. Heureusement, une bonne douche chaude la réveillait assez vite et lui faisait oublier ce genre de dépression hivernale qu'elle développait. Puis, elle s'apprêtait dans le silence. Elle coiffait sa chevelure rousse qui n'avait jamais été trop rebelle, elle en prenait grand soin à tel point que jamais ses cheveux n'avaient fourché. Elle passa quelques traits de maquillage sur son visage, ajouta un peu de rouge à lèvres. Elle se baissa ensuite vers la petite commode située sous le lavabo pour y choisir un parfum. Chaque jour avait une odeur particulière. Et la particularité d'Alice, était de porter des parfums masculins la plupart du temps. Après avoir promené ses yeux pendant quelques instants, elle se décida pour mettre Insolence de Guerlain. Elle se remit debout et parfuma son cou. Elle sortit en serviette et, chercha son uniforme qu'elle enfila.

Qui allait-elle croiser ? Une victime potentielle à sa fourberie ? Couarde comme elle était, elle pouvait s'en prendre à n'importe quelle personne qui n'était pas chez les A. Plus âgé ou plus jeune qu'elle, garçon ou fille, peu lui importait, tous pouvaient se faire avoir de la façon la plus simple qui soit, c'est à dire via le sens olfactif, et personne ne pouvait résister ou même éviter son pouvoir, arrêter de respirer, et on tombe dans le coma. Oui, se retenir de respirer ne donne pas tout de suite la mort, on tombe dans les pommes avant. En se dirigeant vers sa salle de classe, Alice avait de plus en plus de chances de tomber sur quelqu'un, un E pourquoi pas. Tellement débiles, elle allait pouvoir en humilier un ou une. Peut être qu'aujourd'hui, la chance n'était pas avec elle, elle ne croisa personne, et arriva donc seule, largement en avance dans le couloir menant à sa salle de classe. La salle de classe des A, elle était tout de même fière d'appartenir à cette classe, ils représentaient une élite au sein de Prismver. Elle se déposa contre le mur du côté de la salle, et soupira légèrement. Elle avait au moins bien dormi cette nuit, elle avait déjà eu des sommeils plus agités que ça, c'est pour ça qu'elle n'ouvrit même pas la bouche pour bailler malgré les cernes visibles sous ses yeux qu'elle oubliait tout le temps de masquer. N'ayant rien à faire, elle se posa plusieurs questions éloignés de la science. Philosophie, littérature, Histoire, elle tentait de résoudre des problèmes irrésolus. Cela l'occupait, puisqu'elle était seule dans ce couloir, à attendre le début de sa journée de cours.

Il y avait toujours dans les classes des gens qui arrivaient à l'avance par rapport à la majorité. Alice en faisait parti et parfois était la première arrivée. Elle passait généralement une dizaine de minutes seule, puis, ses camarades finissaient par arriver petit à petit jusqu'à former l'effectif complet de la classe. Ensemble, ils représentaient presque une élite dans le pensionnat et ceux qui voulaient leur tenir tête ne savaient pas dans quelle galère ils s'embarquaient. Alice n'avait jamais vraiment prise part aux hostilités de façon directe, elle faisait ça de façon plus discrète. Quelques élèves la connaissaient, d'autres étaient seulement au courant de son pouvoir. Dans cette guerre, elle agissait à l'arrière, sans doute, pouvait-elle démoraliser les adversaires. Quoi qu'il en soit, le jour où quelqu'un viendra se mettre en travers de son chemin allait devenir rien de plus qu'un larbin le temps que son pouvoir agisse. Pouvoir qu'elle commença à faire ressortir par les pores de sa peau, accentuant l'odeur du parfum qu'elle avait mis dans sa chambre. Elle avait agit par pur instinct, ce n'était rien de plus qu'un réflexe.

Réflexe qui ne servait au final à rien, les bruits de pas qu'elle avait entendu et qui provenaient du couloir, n'appartenaient qu'à un autre A. Il n'y avait aucune raison pour se servir de son pouvoir d'Attraction. Mais, les quelques traces de son parfum disséminé à présent dans l'air, pourraient très bien avoir un effet sur le jeune homme qui vint se mettre non loin d'elle en la saluant de la manière la plus brève possible. Elle avait repris le contrôle et allait ainsi voir ses chances d'avoir une migraine ce soir diminuer de manière considérable. Elle n'était pas comme ça avec les camarades de sa classe, elle ne libérait pas son pouvoir pour jouer avec eux, elle pouvait être fourbe, mais jamais elle ne le serait avec un autre A. Elle passa aussi une main dans ses cheveux, remettant en ordre quelques mèches rousses.

« Bonjour, t'es bien en avance toi aussi... »

Se permit-elle de répondre. Elle remarqua aussi le matériel qu'avait son camarade. Un baladeur pour écouter de la musique. A vrai dire, elle n'en avait pas. Même un simple ordinateur, elle n'en possédait pas un. Sans doute était-elle complètement à l'Ouest par rapport à la technologie. Il fallait dire aussi, qu'à part du parfum, elle ne demandait pas grand chose. Si ce n'est un téléphone cellulaire et encore, elle s'en servait très peu, elle ne le prenait même jamais avec elle tant qu'elle se trouvait dans l'enceinte de l'établissement.

« Espérons que les autres vont venir malgré ce froid, je n'ai pas envie qu'on fasse cours à deux avec le prof. »

Le temps ne semblait vraiment pas défiler, à moins que ce ne soit Alice qui soit arrivée vraiment tôt. Elle n'avait pas de montre sur elle, jamais elle n'en avait eu à vrai dire et ce n'est pas aujourd'hui qu'elle allait commencer à avoir quelque chose sur le poignet. Elle n'était pas vraiment une fanatique des bijoux. Pour elle, montrer sa valeur se fait via l'odeur, et elle le montrait sans se donner un mal fou. Cela changeait parfois du parfum bon marché que certains camarades mettaient. C'était un affront, se retrouver dans un pensionnat comme celui-ci et n'avoir à se mettre qu'un vulgaire déodorant pour se parfumer... Si Alice était directrice, nul doute qu'elle en aurait collé des nombreux pour oser faire ça. Elle pouvait paraître comme étant perfectionniste, cela n'empêchait en aucun cas qu'elle ne supportait pas certaines choses pouvant être banales. Cependant, elle ne sentait pas grand chose de l'élève en face d'elle. Pas la faute à son parfum et à son pouvoir qui s'était évaporé.

« Je m'appelle Alice. »

A vrai dire, elle aussi ne connaissait pas par cœur le nom et le prénom des élèves de A. Le plus difficile, c'était pour les petits nouveaux chaque année. Ils n'étaient qu'au stade de bambins mais déjà, il fallait leur apprendre les ficelles pour bien s'en sortir et montrer que les A sont ceux qui méritent de régner en maître sur Prismver. Elle se souvenait de sa première rentrée, elle n'était vraiment pas confiante, il s'agissait d'un nouvel environnement. Mais les mois passèrent, et son caractère se transforma. A présent, à l'âge de 18 ans, elle n'avait plus grand chose à changer si ce n'est de parfum tous les jours. En parlant de ça, certains de ses flacons étaient presque vides, il allait falloir refaire un stock, heureusement Noël arrivait à grands pas, et les cadeaux n'allaient pas manquer.

« Il n'y a rien de plus insupportable que d'attendre, c'est aussi insupportable qu'un E. ».