L’enchaînement des événements échappait un peu au pauvre Valentine qui avait décidé de ne pas trop se poser de questions pour le moment. Il ne se demanderait donc pas pourquoi Amélie avait demandé du cidre, après tout, on pouvait tous divaguer lorsqu'on était en anémie ! Il ne se demanderait pas non plus pourquoi ils s'étaient tous deux téléportés à l'extérieur du bâtiment - ni comment d'ailleurs - sous peine de faire une dépression. Il ne se demanderait pas pourquoi cette blondasse pouvait désormais marcher -bien que difficilement - alors qu'elle était sur le point de tomber dans les pommes quelques secondes auparavant. Après tout, il y a toujours des moments dans la vie qui vous échappent et plutôt que d'attendre bêtement la bouche ouverte, il valait mieux continuer à aller de l'avant sans perdre de temps sous peine de se retrouver à la traîne.
Le gamin ne fut donc pas surpris par les propos de sa voisine de chambre qu'il acquiesça sans sourciller. Si elle était capable de faire le trajet, il était urgent de le faire sans plus tarder. Le risque qu'elle perde connaissance ne cessait de croître mais la distance à parcourir avec elle sur le dos diminuait en proportion. Bizarrement, l'idée d'avoir dix mètres de moins à parcourir avec un tel bagage sur le dos ne pouvait que le soulager mais il préféra éviter de jouer la carte de la chance en laissant la pauvre demoiselle se fatiguer toute seule. D'un ton qu'il voulait rassurant, il s'adressa à son binôme.
"Attends un instant, je vais te soutenir pour marcher, laisse moi passer un bras sous ton épaule."
La colle n'arrangeait pas les choses et la complexité de la pause qu'avait adopté Valentine pour faciliter la vie d'Amélie semblait proche d'une prouesse de gymnastique. Parvenant tout de même à ses fins et après s'être assuré que la blonde tenait le coup, ils reprirent la marche d'un pas qui était tout sauf rapide. Le gamin comptait chaque pas, tentant de se concentrer uniquement sur sa respiration pour ne pas dépenser d'énergie inutilement. Ne comptant comme salut que l'affranchissement des portes du pensionnat, il ne se laissa pas abattre par la complexité de la tâche. Lorsqu'il vit le sol changer sous ses pieds, il déposa la jeune fille à moitié inconsciente au sol, criant dans le vaste hall pour trouver de l'aide. Aussitôt après, ils se retrouvèrent à l'infirmerie où des mesures adéquates furent prises pour séparer les deux spécimens et assurer la sécurité de la petite.
Epuisé après cette journée forte en émotions, Valentine se dirigea d'un pas morne vers son cabanon où il se laissa tomber comme une masse avant se s'endormir tout habillé. Il n'avait même pas remarqué qu'Amélie était rentrée le rejoindre un peu plus tard dans la soirée, s'endormant à son tour vers un sommeil bien mérité.